Ce n’est pas forcément la filière énergétique qui vient immédiatement à l’esprit quand on évoque la Russie. Elle passe bien après le pétrole et le gaz. Et pourtant, c’est sans doute le secteur énergétique russe le plus durement affecté par les sanctions occidentales mises en place par étapes, il y en a eu pas moins de 18…, depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
En fait, sur le charbon, l’Union européenne (UE) a moins tergiversé. Il est vrai qu’elle peut bien plus facilement se passer du charbon que du gaz russe. Ainsi, l’UE a imposé au Kremlin des sanctions sur toutes les exportations de charbon, ce qui a eu un impact sur un quart des exportations de charbon russe dans le monde. Les États-Unis ont également renforcé leurs propres sanctions à l’encontre des entreprises charbonnières russes au cours des dernières années.
Une perte de chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros par an
La Russie possède la sixième plus grande industrie du charbon au monde. C’est un secteur économique bien moins important pour le pays que le pétrole et le gaz, mais il a tout de même un impact important sur l’économie et reste un « secteur critique pour des dizaines de villes mono-industrielles où il emploie des centaines de milliers de travailleurs », explique Newsweek.
Les sanctions européennes ont coûté 8 milliards d’euros par an de chiffre d’affaires au charbon russe. A cela s’est ajouté les difficultés d’accès aux équipements nécessaires à la poursuite de l’exploitation des mines et des coûts d’emprunt élevés (supérieurs à 20%) pour les entreprises du secteur. Avant 2022, la Russie dépendait des États-Unis, du Japon et de l’Europe pour la plupart de ses équipements miniers.
« La tempête parfaite »
Le gouvernement russe a également souligné « l’endettement élevé des entreprises, de 1,2 trillion de roubles (plus de 15 milliards de dollars), la faiblesse de la demande extérieure, les prix du charbon au plus bas depuis quatre ans et un taux de change du rouble défavorable », selon le Moscow Times. Interrogée par l’agence Bloomberg, Natalya Zubarevich, spécialiste de la région, affirme que « l’industrie du charbon est confrontée à ce que l’on pourrait appeler une tempête parfaite [ perfect storm ] : tous les problèmes ont convergé en même temps ».
Le vice-ministre russe de l’énergie, Dmitry Islamov, a reconnu publiquement très récemment que les sanctions ont fragilisé le secteur, avec des pertes totalisant 112,6 milliards de roubles (1,44 milliard de dollars) à la fin de 2024. Et il a ajouté que « malheureusement, la situation continue de se détériorer ». Entre janvier et mai 2025, les entreprises charbonnières ont enregistré des pertes de 112 milliards de roubles (1,43 milliard de dollars).
Les importations chinoises devenues essentielles
Seule la moitié des quelque 180 entreprises charbonnières russes sont encore rentables en 2025 et plus d’un quart d’entre elles risquent de fermer leurs portes. D’après les données du ministère de l’énergie, 51 entreprises – mines et exploitations à ciel ouvert – « ont été arrêtées ou sont sur le point de suspendre leurs activités ».
Moscou tente de soutenir l’industrie défaillante avec des allègements fiscaux et des versements aux salariés au titre de l’assurance sociale, mais cela ne fait que retarder les échéances. Les taux de change sont intenables et le nombre d’acheteurs du charbon russe s’est considérablement réduit, ce qui rend le secteur très vulnérable à toute nouvelle inflexion de la demande, en particulier de la Chine. « Toute fluctuation de l’activité d’importation chinoise pourrait avoir un impact significatif sur la reprise de l’industrie et la stabilité des prix », explique Isaac Levi, chef de l’équipe d’analyse de la politique et de l’énergie Europe-Russie de l’ACI. Au moins pour ce qui est du charbon, les sanctions ont fini par fonctionner, lentement mais sûrement.