-Meridiam finance de nombreux projets à travers le monde. Quelle place occupe l’Europe et quelles sont les perspectives à moyen et long terme ?
-Près de 50% des investissements de Meridiam sont réalisés en Europe, à la fois sur des projets déjà opérationnels et sur de nouvelles perspectives. Avec nos partenaires, nous gérons aujourd’hui environ 70 infrastructures essentielles sur le continent : la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux, le port de Calais, l’aéroport de Sofia, ou encore la construction d’une interconnexion électrique entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. Nous intervenons également sur de nombreuses autoroutes, hôpitaux et écoles, de la Finlande à la Turquie.
Notre engagement consiste à construire, entretenir et faire évoluer ces infrastructures sur le long terme – parfois jusqu’à 50 ans – pour en garantir l’utilité publique et la performance opérationnelle durable.
Les perspectives sont multiples à l’échelle européenne, mais de grandes tendances se dégagent. Les projets de transport demeurent structurants, notamment en Europe de l’Est, où ils viennent compléter les réseaux nationaux. Parallèlement, les besoins liés à la transition urbaine se renforcent : mobilités décarbonées, valorisation des déchets, réseaux de chaleur, infrastructures numériques. Tous ces secteurs s’ajoutent désormais au grand plan européen d’infrastructures de transport.
La souveraineté énergétique européenne représente également un enjeu majeur. Nous contribuons au développement de capacités de transmission et de stockage stratégiques, ainsi qu’à la réduction de la dépendance des grands sites industriels aux énergies fossiles. Beaucoup reste à faire : la moitié des pays de l’Union européenne se situe encore en dessous de l’objectif d’interconnexion électrique de 15 % fixé pour 2030. Le chemin vers la résilience et la souveraineté énergétique est long, mais Meridiam peut y jouer un rôle important.

Romain Limousin.
-Les projets européens sont-ils plus longs et coûteux en raison des normes ESG très strictes ? Ces exigences freinent-elles le développement des grands projets ?
-Meridiam a été fondée il y a vingt ans sur la conviction que les meilleurs projets sont ceux qui intègrent dès l’origine les dimensions sociales, environnementales et climatiques. À cette époque, les notions d’ESG et d’impact étaient balbutiantes. Notre ADN, lui, a toujours été le même. Notre horizon d’investissement est à long terme et permet de penser des projets et des solutions qui vont avoir un impact positif dès leur mise en place et sur le temps long.
Loin de représenter un frein, ces exigences constituent selon nous un gage de solidité et de performance à long terme. Les projets que nous portons allient rentabilité et durabilité : l’une ne va pas sans l’autre. Cela implique un travail préparatoire rigoureux, avec une évaluation de l’ensemble des impacts — environnementaux, climatiques, sociaux — dès la phase de conception.
Il arrive qu’un projet n’aille pas dans le sens de notre stratégie. Dans ce cas, nous préférons y renoncer, comme nous l’avons déjà fait lorsqu’une analyse socio-économique trop fragile ou le recours aux énergies fossiles n’étaient pas compatibles avec nos principes.
-La transition énergétique et la mobilité durable sont au cœur des attentes citoyennes. Les responsables politiques sont-ils à la hauteur de ces ambitions ? Quels leviers permettraient d’accélérer le mouvement ?
-En France comme ailleurs, les visions politiques sur ces sujets demeurent fragmentées – notamment sur la question des énergies renouvelables. Dans ce contexte, Meridiam s’attache à maintenir un cap clair : promouvoir des projets à la fois utiles, rentables et durables.
Les ressources financières existent pour soutenir la transition énergétique et la mobilité durable. Le principal frein réside aujourd’hui dans le manque de visibilité et de constance des cadres réglementaires. L’incertitude coûte plus cher que le manque de financement.
Les procédures administratives, parfois longues de plusieurs années, et le manque d’incitations réalistes ou applicables peuvent constituer de véritables freins. Les investisseurs ont besoin de règles stables et lisibles sur la durée — qu’il s’agisse de tarification, d’obligations en matière d’empreinte carbone ou de dispositifs incitatifs. Plus de cohérence et de constance permettraient de lever la plupart des obstacles.
-Comment instaurer ce cadre stable et cohérent ?
-Un tel cadre peut s’appuyer sur des plans de programmation énergétique assortis d’objectifs quantifiés et de régulations claires, capables d’évoluer avec les nouvelles technologies. Il serait également pertinent, au niveau national comme au niveau Européen, d’adopter une approche pragmatique afin de prendre en compte de façon différenciée les multiples solutions techniques, et volontariste afin de trouver les adaptations nécessaires au développement des projets.
Enfin, les pouvoirs publics gagneraient à renforcer leurs capacités administratives pour accélérer l’instruction des dossiers. Certaines décisions pourraient être prises bien plus rapidement, permettant de lancer des projets déjà techniquement prêts. La volonté d’efficacité doit désormais se traduire dans les faits.
-La finance joue un rôle important dans le réchauffement climatique en soutenant notamment des secteurs et projets fortement émetteurs en gaz à effet de serre. Comment Meridiam se distingue-t-il ?
-La finance traditionnelle, centrée sur le court terme, reste souvent indifférente aux risques climatiques qui finiront pourtant par affecter les populations, les infrastructures et les écosystèmes.
L’approche de Meridiam, ça n’est pas vraiment l’ingénierie financière, mais plutôt une finance d’ingénieur responsable, dont les investissements visent à avoir un impact positif sur plusieurs générations. Outre l’exclusion des énergies fossiles déjà évoquée, nous avons développé des outils d’analyse, des indicateurs de performance et des plans d’action concrets. Chaque investissement — qu’il s’agisse d’une école, d’un aéroport ou autre — fait l’objet d’une évaluation du risque climatique et d’une stratégie de décarbonation.
Cette approche rassure les autorités publiques, qui savent que notre présence sur plusieurs décennies garantit la performance et la durabilité des projets. Nous partageons leurs objectifs : répondre aux critères de développement durable de l’ONU et promouvoir l’inclusion sociale tout au long de la vie des projets.
-Vers quels nouveaux secteurs Meridiam souhaite-t-il se développer ?
-En parallèle des grandes infrastructures traditionnelles, nous développons des initiatives de proximité pour soutenir les collectivités locales dans leurs projets de résilience urbaine : décarbonation de l’énergie, mobilité propre, résilience sociale.
Nous commençons à investir aussi dans les infrastructures agricoles, un secteur vital confronté à des défis majeurs – adaptation au changement climatique, réduction des émissions, souveraineté alimentaire. Selon nos estimations, plus de 50 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires au cours des cinq prochaines années pour accompagner cette transition, de la production aux chaînes logistiques et énergétiques.
Enfin, nous explorons le champ des infrastructures essentielles à la sécurité et à la souveraineté européenne. Il s’agit non pas d’investir dans l’armement, mais dans des infrastructures critiques – réseaux de transport, capacités logistiques, bâtiments administratifs ou logements – qui soutiennent la résilience stratégique du continent.














