La Chine, les Etats-Unis et le Japon sont engagés dans une véritable guerre économique pour s’assurer l’accès aux minéraux critiques, indispensables notamment à la transition énergétique et aux industries de défense, en Afrique centrale et australe. Il s’agit de prendre le contrôle des routes essentielles au transport des métaux stratégiques. Et l’Europe est absente tout comme la France qui a perdu la majeure partie de son influence politique et militaire sur la partie francophone du continent.
Les États-Unis, le Japon et la Chine soutiennent trois corridors ferroviaires différents en Afrique à partir des régions où est extrait une grande partie de l’approvisionnement mondial en cuivre et en cobalt. Ces trois corridors ferroviaires, qui partent tous de Zambie pour aboutir dans les principaux ports d’exportation sont devenus essentiels pour déterminer qui sera en mesure de contrôler ces exportations. Et les Etats-Unis, le Japon et l’Europe cherchent par tous les moyens à échapper à la domination écrasante de l’industrie chinoise dans l’exploitations des métaux critiques et plus encore dans leur raffinage.
La Chine contrôle le marché du raffinage de 19 des 20 minéraux critiques
Selon le dernier rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Global Critical Minerals Outlook, la Chine contrôle le raffinage de 19 des 20 minéraux considérés comme stratégiques avec des parts de marché moyennes de l’ordre de 70%. Et 15 de ces minéraux ont une volatilité de leurs cours supérieure à celle du pétrole… Pour les pays occidentaux, il y a urgence. Pour preuve, l’embargo chinois de fait sur les terres rares dites lourdes, décidé en avril dernier en riposte à l’augmentation des droits de douane par l’administration Trump, crée des perturbations sérieuses pour les industries automobile, de défense et d’équipements électriques.
Du coup, à la fin de l’année dernière, les États-Unis ont annoncé l’octroi d’un prêt de 553 millions de dollars pour moderniser le chemin de fer Lobito Atlantic Railway en Angola. « Ce projet devrait permettre d’étendre et de protéger les chaînes d’approvisionnement en minerais essentiels, d’augmenter la capacité de transport ferroviaire et de réduire les délais et les coûts de transit des marchandises », a déclaré la DFC, agence américaine de financement du développement.
Le Japon investit aussi en Afrique
De son côté, la Chine a décidé d’investir par l’intermédiaire de la China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC), plus de 1,4 milliard de dollars dans la Tanzania-Zambia Railway Authority (TAZARA).
Et le mois dernier, le Japon a annoncé soutenir le corridor de Nacala. Il est situé dans le sud-est de l’Afrique qui relie la Zambie et le Malawi, deux pays enclavés, à l’océan Indien via le port de Nacala au Mozambique. Le Japon espère que le projet Nacala deviendra une voie de transport majeure pour les ressources minérales. « En soutenant les chemins de fer et les ports, les pays s’assurent une influence à long terme sur les flux de minerais », explique Shahrukh Wani, économiste à l’International Growth Centre de la London School of Economics.
La Chine a accru ses parts de marchés au cours des dernières années
La concentration de l’approvisionnement en minéraux critiques dans une poignée de pays et les contrôles à l’exportation imposés par la Chine augmentent le risque de « perturbations douloureuses » sur le marché, prévient l’AIE dans son dernier rapport. Et surtout en dépit de la prise de conscience du risque par les gouvernements, la Chine a augmenté sa part de marché au cours des dernières années, selon l’AIE.
L’agence estime qu’en fait le marché est bien approvisionné dans la plupart des minéraux critiques et leurs prix ont d’ailleurs baissé par rapport aux sommets atteints en 2021 et 2022. Le risque ne réside pas dans l’approvisionnement lui-même, mais dans sa concentration entre les mains de quelques producteurs, en particulier la Chine.