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Granulés et bois de chauffage: un risque de pénurie auto-réalisatrice


Le chauffage au bois se développe à grande vitesse en France depuis plusieurs années. Il est le plus économique, même si les prix du bois ont beaucoup augmenté, et il est favorisé de fait par la réglementation. Mais les problèmes commencent à s’accumuler. Notamment, la crainte d’une pénurie cet hiver de pellets et de granulés. La France en importe des pays de l’est, ce qui devient compliqué depuis l’invasion de l’Ukraine et le risque de pénurie de gaz. La crainte du manque de bois a d’ailleurs provoqué depuis plusieurs semaines une ruée pour constituer des stocks… Le meilleur moyen de créer la pénurie.

Le chauffage au bois, notamment via les pellets et les granulés, se développe à grande vitesse en France. Aujourd’hui, plus de 7 millions de logements sont entièrement ou partiellement chauffés grâce au bois. Une énergie renouvelable par définition mais a aussi des inconvénients, notamment en terme d’émissions de particules fines. En tout cas, l’augmentation des installations de poêles ou de chaudières est spectaculaire l’an dernier: de 50% pour les poêles (200.000) et de 120% pour les chaudières (31.000) Et ce n’est pas terminé. Cette année, Propellet, l’association nationale du chauffage au granulé., s’attend encore à une augmentation des ventes de 25 à 30% des poêles, et de 50% des chaudières.

Avant tout, parce qu’il s’agissait et il s’agit encore, en dépit de la hausse des prix du bois, du mode de chauffage le plus économique. Se chauffer au bois ou aux granulés permet d’économiser en moyenne entre 1.000 et 2.000 euros par an, par rapport à un chauffage électrique ou au gaz.

Ensuite, la réglementation, volontairement ou pas, le favorise. Cette année a marqué l’interdiction du remplacement des chaudières à fioul dans les logements anciens et l’interdiction du chauffage au gaz dans les logements neufs en vertu de la réglementation environnementale (RE 2020). Le bois a d’autant plus les faveurs des consommateurs que l’installation d’un poêle à bois ou d’une chaudière biomasse peut être prise en charge par les aides à la rénovation énergétique (MaPrimeRénov’, Prime Énergie, etc.).

Alignement des planètes

Le chauffage au bois profite d’un alignement des planètes marqué par les réglementations qui marquent la fin programmée et annoncée des chaudières au fioul et au gaz et dans le même temps l’augmentation des prix de l’électricité, l’envolée des cours des hydrocarbures et les risques de rupture d’approvisionnement en gaz russe. Même certaines collectivités qui utilisaient les granulés en appoint du gaz de ville y ont désormais recours à 100%.

Conséquence… le bois commence à manquer. L’augmentation des commandes en France mais aussi dans d’autres pays européens (notamment l’Autriche et l’Allemagne) déstabilise la filière. La production française de granules ne permet pas de couvrir les besoins du pays. Le reste est importé de l’étranger. A condition de pouvoir le faire…

L’Europe a importé en 2021 pas moins de 3 millions de tonnes de granulés de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Ce sera impossible cette année. L’invasion de l’ Ukraine, l’auto consommation des pays de l’est (Pologne Roumanie) qui aujourd’hui n’exportent quasiment plus de granulés, font que la filière française pourrait se retrouver face à un manque de 700.000 à 800.000 tonnes de pellets. Cela représente près de 25% des besoins! Sans oublier bien sûr les répercussions sur les prix qui ont fortement augmenté.

Craignant une pénurie, les distributeurs de bois-énergie demandent aux Français de ne pas acheter plus que nécessaire pour se chauffer cet hiver. «Aujourd’hui, il y a une bulle sur la demande des granulés», déplore Eric Vial, délégué général de Propellet, l’association nationale des professionnels du chauffage au granulé de bois, dans une interview à BFM Business. «Il y a un petit manque», finit-il par reconnaître de peur de provoquer la pénurie qu’il redoute.

Une pénurie auto-réalisatrice

Pour l’éviter, les distributeurs font la chasse aux clients qui commandent plus de bois-énergie que d’ordinaire pour l’hiver. Comme souvent quand un risque de pénurie se profile, les consommateurs se dépêchent de faire des stocks et créent la pénurie qu’ils redoutent. «Pour empêcher ceux qui seraient tentés de stocker plus que besoin en s’approvisionnant auprès de plusieurs usines de production, les distributeurs ne prennent plus de nouveaux clients», explique Eric Vial.

Signe que la panique se propage, Brazeco, un distributeur de bois-énergie (granulés de bois et bois bûche), enregistre une augmentation de 30% des commandes par rapport à l’année dernière, qui connaissait déjà une croissance à deux chiffres.

A terme, la situation devrait s’améliorer grâce aux investissements réalisés et la France devenir auto-suffisante. L’ouverture de nouvelles usines et à l’augmentation des capacités de production de celles existantes, la filière prévoit l’arrivée d’un million de tonnes de granulés supplémentaires entre 2021 et 2024, et un doublement de la capacité de production d’ici 2028. Il faudra juste être patient et espérer des hivers peu rigoureux.

Pénuries de poêles, de chaudières et d’installateurs

D’autant plus que les blocages n’apparaissent pas seulement du côté de la matière première, mais également pour les équipements. La pénurie de semi-conducteurs et la flambée des prix des matières premières freinent la fabrication des appareils. Par ailleurs, les entreprises manquent de bras pour les installer chez les particuliers. Selon Propellet, il faut attendre maintenant plus de six mois pour se faire installer un poêle ou une chaudière.

La rédaction