Le phénomène est aussi vieux que les taxes et les impôts. Quand ils atteignent un niveau élevé, ils se traduisent dans toutes les sociétés humaines par la création de réseaux de fraudeurs de plus en plus astucieux et organisés qui y trouvent des rémunérations conséquentes. C’est exactement ce qu’il s’est passé au cours des dernières années avec le malus écologique qui a atteint des niveaux confiscatoires pour les véhicules puissants à moteur thermique.
Le malus écologique a été créé en 2008 et taxe les véhicules en fonction de leurs rejets de CO2 à l’échappement. Il peut désormais atteindre 70.000 euros, de quoi doubler le prix de certaines voitures. Résultat, les filières et les techniques de fraude sont nombreuses et les risques encourus sont relativement limités par le fait qu’il n’y a pas de contrôle systématique des dossiers et même quand ils existent, ils ne sont pas toujours efficaces.
100 millions d’euros de manque à gagner pour l’Etat
Selon un article de Marianne, la fraude représenterait pas moins de 100 millions d’euros de manque à gagner pour les caisses de l’Etat. Le magazine ajoute qu’un tiers des véhicules neuf de luxe frappés par le malus y échapperait. Car on peut soustraire un véhicule acheté en neuf en France ou « d’occasion » à l’étranger au paiement du malus en obtenant une exonération en raison de la personne de l’acheteur ou de la classification du véhicule.
Pour ce qui est de l’acheteur, le moyen le plus utilisé consiste à faire usage d’une carte mobilité inclusion (CMI) réelle ou falsifiée ou à mentionner le nom d’une personne titulaire de cette carte sur le certificat d’immatriculation (carte grise) du véhicule. Certaines personnes disposant de la CMI sont même devenues des négociants automobiles en achetant des véhicules de luxe détaxés qu’ils revendent ensuite. A partir du 1er janvier 2026, les pouvoirs publics vont rendre impossible cela en taxant les voitures initialement exonérées de malus écologique lors de leur revente en occasion à une personne dépourvue de la CMI.
Garages fantômes
L’autre « technique » est utilisée par des garages fantômes habilités à saisir des informations dans le système d’immatriculation des véhicules. Ils font passer les véhicules puissants frappés par le malus pour des VASP ou Véhicules automoteur spécialisés. Il s’agit de véhicules destinés normalement au transport de personnes ou de marchandises comme les ambulances, les dépanneuses, les véhicules funéraires… C’est évidemment totalement illégal. Et souvent le garage fantôme augmente ainsi considérablement sa marge sur la vente du véhicule en conservant l’essentiel du gain réalisé en ne payant pas malus. Il fait une jolie remise commerciale à l’acheteur qui ne sait pas forcément qu’il roule en toute illégalité.
Des enquêtes en cours sur de nombreuses affaires
La fraude au malus écologique est apparemment très étendue. On peut s’en faire une idée avec la condamnation en janvier 2023 par le tribunal correctionnel de Marseille du gérant d’un groupe de concessions du Sud de la France à un an d’emprisonnement avec sursis, 800.000 euros d’amende et la saisie de trois millions d’euros sur les comptes bancaires de ses sociétés pour des fraudes estimées à plusieurs millions d’euros.
Selon Marianne, le Service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale a été mobilisé dans une vaste opération menée entre 2023 et 2024, contribuant à l’identification de « plus de 500 concessions et garages automobiles ayant fraudé au malus écologique dont 94 pour des montants significatifs, dépassant la centaine de milliers d’euros ». Une douzaine de ces professionnels font l’objet d’enquêtes judiciaires portant sur « plusieurs centaines de véhicules » et un préjudice total estimé à plusieurs millions d’euros. Certains cas de fraude atteignent « entre 2 et 4 millions d’euros ».
L’Office national antifraude (ONAF) fait désormais de cette question une priorité et le le SIV (Système d’immatriculation des véhicules) devrait bénéficier d’une nouvelle version de son système informatique moins facile à tromper.