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Tunnel voie george pompidou Wikimedia Commons

La fermeture des voies sur berge à Paris a fait augmenter les bouchons et la pollution


Une étude de l’Institut des politiques publiques démontre que la fermeture controversée des voies sur berges à Paris en 2016 n’a en rien diminué la circulation et la pollution automobile. Au contraire! Elle n’a fait que la déplacer notamment sur le périphérique parisien. Plusieurs centaines de milliers de véhicules ont ainsi vu augmenter leurs temps de trajets.

Il s’agit d’une des décisions les plus emblématiques et les plus controversées prises par la maire de Paris, Anne Hidalgo. La fermeture définitive aux véhicules motorisés de 3,3 kilomètres des voies sur berge (voir photographie ci-dessus) afin de réduire drastiquement la circulation automobile le long de la Seine sur un axe ouest-est. En 2016, la mairie de Paris a décidé, sans tenir compte des critiques et sans concertation, de supprimer définitivement la circulation automobile sur une portion de la voie George Pompidou. Il s’agit d’une voie rapide réglementée construite dans les années 1960 le long de la Seine, interdite alors aux piétons et aux vélos, qui permettait de traverser Paris sans feux rouges et de fluidifier la circulation.

Anne Hidalgo et la thèse farfelue de l’évaporation de la circulation

La décision subite de fermer une partie des voies sur berge avait été fortement contestée. Elle était accusée d’être avant tout un acte de communication compliquant sans raison la vie de ceux qui doivent traverser Paris, notamment les banlieusards, et sans impact réel sur la pollution et les nuisances automobiles du fait de la multiplication des bouchons liée au déplacement de la circulation, y compris à Paris sur les voies sur berge dites supérieures.

Anne Hidalgo a passé outre l’avis défavorable de l’enquête publique et celui tout aussi défavorable de l’autorité environnementale. Des recours en justice avaient bien fini par obtenir gain de cause et remettre en question la décision de la mairie de Paris, mais cette dernière n’avait rien voulu entendre. Quand le tribunal administratif a annulé l’arrêté de piétonnisation, la mairie de Paris a pris immédiatement un autre arrêté bafouant l’autorité de la chose jugée. Pour contrer les critiques, la mairie de Paris avançait alors une thèse dite de l’évaporation de la circulation automobile. Avec la fermeture des voies sur berge, une partie de la circulation allait tout simplement disparaitre car les automobilistes soumis à une plus grande pression et pénibilité allaient abandonner leurs véhicules. Evidemment, il n’en a rien été. La circulation et la pollution ont tout simplement été reportées à quelques kilomètres du centre de Paris et n’ont pas disparu ou diminué, au contraire. C’est ce que démontre une étude récente de l’Institut de politique publiques (IPP), un organisme de recherche indépendant créé par l’Ecole d’économie de Paris.

Une augmentation sensible des bouchons et de la pollution sur le périphérique parisien

L’étude est intitulée: «Des centres plus verts, des banlieues plus grises?». Conclusion, les voitures qui n’ont plus eu la possibilité de traverser la ville à cause de la fermeture des voies sur berges n’ont pas disparu par enchantement. Elles se sont reportées massivement sur le périphérique pour passer de l’ouest à l’est de la capitale. Au total, l’étude montre que le trafic a augmenté de 15% sur la portion sud du «périph», dans le sens ouest-est. La direction empruntée par ceux qui utilisaient la voie Georges Pompidou. L’impact de la mesure «semble stable dans le temps», expliquent les chercheurs, ce qui suggère «une faible adaptation des usagers, c’est-à-dire une faible réduction de la demande de déplacements, même après trois ans.» En clair, il n’y pas eu la moindre évaporation.

Il y a même eu une augmentation sensible des bouchons et des temps de parcours sur le périphérique. C’est-à-dire pour un nombre plus important de véhicules. L’étude estime la perte de temps à 6 minutes en moyenne pour ceux qui sont touchés par ce report du flux de circulation. Multipliez ce chiffre par les centaines de milliers de voitures qui empruntent le Boulevard Périphérique chaque jour, et l’ampleur de la perte de temps et de la pollution supplémentaire devient évidente. Jusqu’en 2016, les voies sur berges étaient empruntées par environ 45.000 véhicules par jour qui se reportant sur le périphérique ont de fait allongé les temps de circulation de centaines de milliers de véhicules.

Les chercheurs montrent également que plus de personnes sont désormais directement affectées par l’augmentation de la pollution et des nuisances, par rapport à celles qui ont été épargnées par des baisses locales résultant de la fermeture des voies sur berge. La pollution a bien baissé en plein cœur de Paris, aux alentours de la voie fermée. Mais ces baisses ne touchent qu’une population d’environ 22.000 personnes. A comparer avec les 47.000 personnes vivant près du périphérique sud, où la pollution a largement augmenté du fait du report de la circulation.

«Rendre aux piétons» 3,3 kilomètres de voie rapide dont 1,8 kilomètre de tunnel!

Déjà en 2017, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, partenaire de la région Ile-de-France, dénonçait dans un document de 109 pages «les graves conséquences de cette décision autoritaire à l’exact opposé des objectifs annoncés par la mairie de Paris». Quand au slogan de la mairie de Paris qui entendait «rendre aux piétons» les voies sur berge, il n’avait aucun sens. La chaussée a été construite pour l’automobile et inaugurée en 1967 par George Pompidou alors Premier ministre. Et sur les 3,3 kilomètres, 1,8 kilomètre est un tunnel qui ne présente aucun intérêt pour les piétons…

Anne Hidalgo est pourtant loin d’en avoir terminé avec sa croisade. Pour déporter le problème encore plus loin, la maire de Paris envisage même aujourd’hui de réduire la circulation sur le périphérique en supprimant une voie, voire même à terme de le fermer…

Vouloir réduire la circulation automobile et les nuisances qu’elle génère dans une grande ville comme Paris n’est pas un objectif contestable. Paris est une des grandes villes d’Europe les plus denses avec à peine 100 kilomètres carrés. Diminuer le nombre de véhicules en circulation ne peut qu’améliorer la qualité de vie et la santé des parisiens. Mais ce qu’expliquent les experts indépendants de la circulation routière, pour la réduire dans le centre des grandes métropoles, il faut à la fois limiter le flux de circulation pouvant pénétrer au cœur des villes et ensuite quand il s’y trouve fluidifier et accélérer la circulation pour qu’elle s’écoule rapidement et y reste le moins de temps possible. Exactement le contraire de la politique suivie par la mairie de Paris qui n’a jamais restreint l’entrée de la circulation dans la capitale et s’est acharnée ensuite à la piéger dans une succession de pincements de trafic. Comme si ralentir par tous les moyens la circulation à Paris, y compris en multipliant les travaux et en fermant de nombreuses voies, allait faire abandonner leurs véhicules aux artisans, aux livreurs et aux commerciaux…

La rédaction