L’éolien marin est considéré un peu partout dans le monde et surtout en Europe comme la meilleure solution pour développer la production d’électricité éolienne. Les éoliennes marines sont plus puissantes et plus grandes que leurs homologues terrestres. Elles bénéficient en général de vents plus constants et ont donc en moyenne un facteur de charge de plus de 35% au lieu de 22% pour leurs équivalents terrestres, selon les données de RTE pour 2024. Enfin, elles se heurtent, toujours en général, à moins d’oppositions locales. Il est notamment possible de les éloigner suffisamment des côtes pour qu’elles ne soient plus trop visibles.
Mais évidemment, il y a aussi des inconvénients particuliers à l’éolien marin, notamment économiques. Les investissements sont beaucoup plus importants et la rentabilité des parcs de plus en plus difficile à trouver. Les équipements coûtent cher. Les installer en mer qu’ils soient fixés au fond ou flottants coûte cher. Les liaisons avec les réseaux électriques terrestres coûtent cher. La maintenance coûte cher et est compliquée par les questions d’oxydation accélérée et d’impact des tempêtes et conditions météorologiques extrêmes. Pour finir, la France ne bénéficie pas, contrairement aux pays d’Europe du nord et au Royaume-Uni, de côtes avec des eaux peu profondes sur de nombreux kilomètres. Résultat, le coût de production de l’électricité éolienne marine est très élevé et peu compétitif.
Les réalités économiques
Le modèle économique de l’éolien est ainsi devenu de plus en plus difficile à mettre en place et les investisseurs hésitent à s’engager dans des projets d’envergure. Des pays comme le Danemark et la Suède, autrefois leaders dans l’expansion des capacités éoliennes en mer, se heurtent aujourd’hui à de multiples obstacles pour continuer à développer leurs parcs, les prix de l’électricité comme les mesures d’incitation n’étant plus à même de soutenir les nouveaux projets.
Cela tient à l’inflation des coûts de construction et au fait que la production éolienne est souvent trop abondante ou trop faible, ce qui fait que les prix de marché sont faibles quand la production est importante. Cela contraint les gouvernements à financer les producteurs éoliens qui ont la plupart du temps des prix garantis et également à les rémunérer pour ne pas produire. Le problème est devenu celui des rendements décroissants. L’équation économique est encore plus difficile à résoudre avec 1.000 éoliennes peu rentables qu’avec 100 éoliennes… peu rentables.
Des appels d’offre sans candidats
Voilà pourquoi EDF a décidé de se consacrer avant tout aux projets d’éoliennes marines déjà lancés a expliqué fin avril aux parlementaires Bernard Fontana, le nouveau Pdg du groupe public. En mai, l’EDF danois, Orsted, a annoncé l’annulation d’un gigantesque projet en mer au Royaume-Uni, Hornsea 4. L’entreprise l’a expliqué par « la combinaison de l’augmentation des coûts de la chaîne d’approvisionnement, de la hausse des taux d’intérêt et de l’augmentation du risque d’exécution ». Au Danermark, le plus grand projet éolien marin du pays, North Sea I, qui devait avoir une capacité de production de 6 gigawatts (GW), presque quatre fois celle de l’EPR de Flamanville, n’a reçu aucune candidature lors des appels d’offre de décembre dernier.
Outre-Rhin, l’’allemand RWE, a annoncé réduire de 10 milliards d’euros d’ici à 2030 ses investissements dans les renouvelables et notamment l’éolien marin, en raison des problèmes de rentabilité des projets. Du coup, RWE, qui était présent sur tous les appels d’offres pour des parcs éoliens marins en France lors des dernières années, a renoncé, comme EDF et d’autres, à se mettre sur les rangs pour celui d’Oléron…
Des prévisions fantaisistes
La relance en France par le gouvernement de l’Observatoire national de l’éolien en mer ne change rien aux réalités économiques. « Les prix d’approvisionnement ont augmenté dans la filière de plus de 30% depuis trois ans. Si les prix plafonds ne reflètent pas ces augmentations, alors il y a des risques de sous souscription », explique aux Echos Pierre Peysson, directeur France éolien offshore de RWE et président de la commission dédiée à ce secteur du Syndicat des énergies renouvelables. Sur le projet de parc au large d’Oléron, le prix de 100 euros le MWh n’a pas été revu à la hausse malgré l’éloignement du parc des côtes à la demande de la population locale.
Tout cela illustre le caractère fantaisiste des prévisions publiques de construction de nouvelles capacités éoliennes marines en Europe et en France dans les prochaines années. En France, au moins 4,2 gigawatts (GW) de capacités répartis sur six parcs doivent en théorie entrer en production entre 2031 et 2034. Il s’agira de mettre en service trois fois la capacité actuelle en seulement quatre ans… Sans compter une nouvelle vague d’appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie attendue cette année, afin d’ajouter plus de 9 GW supplémentaires. Et il faut ajouter 2,5GW d’appels d’offres déjà lancés mais dont la date de mise en service n’est pas encore fixée et pour lesquels les candidats ne se bousculent pas vraiment.
Une modification importante des contrats
En 2024, l’éolien en mer a produit près de 4 TWh en France (soit 0,7% de la production en France métropolitaine) contre environ 42,9 TWh pour les installations éoliennes terrestres. Au total, l’an dernier la production éolienne a baissé en France de 8,7% faute de vent… Mais RTE a plus ou moins cherché à masquer cette performance pas très favorable à l’éolien et dans son communiqué du début de l’année a donc été jusqu’à comparer les chiffres de 2024 avec ceux… de 2019.
Par ailleurs, l’équation économique des parcs, notamment marin, va devenir encore plus compliquée et devoir prendre en compte une modification importante des contrats d’achat d’électricité qui les contraindra à « l’arrêt de tout ou partie de la production du parc en période de prix négatifs », a annoncé le 2 juin le ministère de l’Industrie et de l’Énergie. Jusqu’ici, ces parcs étaient « incités à produire au maximum de leur capacité quel que soit le prix de marché », puisqu’ils disposaient de contrats d’obligation d’achat. L’intégralité de leur production était achetée à un tarif garanti… y compris lors de périodes de prix négatifs. Une aberration.
Le système des compléments de rémunération
D’autant plus que les épisodes de prix négatifs, liés aux surproductions des renouvelables intermittents, se multiplient. Dans son bilan électrique 2024, RTE indique que « deux fois plus de prix spot négatifs qu’en 2023 ont été enregistrés en 2024 ». Cela représente 359 heures concernées, soit 4% du temps. Même constat au niveau européen : ces phénomènes d’heures à prix négatifs ou nuls sont « devenus plus fréquents en 2024 par rapport à 2023 (4% des heures en moyenne dans l’UE contre 2% en 2023) et se sont produits pratiquement partout dans l’UE », souligne Ember.
Les parcs éoliens marins français participeront donc désormais au mécanisme d’ajustement et à la gestion de l’équilibre du système électrique. Le ministère de l’Industrie et de l’Énergie rappelle que des « dispositions similaires ont également été introduites par la loi de finances pour 2025 » pour les anciens parcs éoliens terrestres les plus puissants.
De façon générale, les nouvelles installations renouvelables bénéficient par ailleurs principalement d’un soutien sous la forme de compléments de rémunération. Ils permettent de moduler la production en fonction de la demande et des prix et de moins déstabiliser les réseaux.