L’expansion planétaire du photovoltaïque est impressionnante et semble irrésistible. Elle bénéficie pour cela de prix imbattables pour produire, de façon intermittente, de l’électricité et d’une souplesse, rapidité et facilité d’installation sans équivalent avec des variations de capacités allant du panneau individuel sur un toit au parc solaire de plusieurs dizaines de GW. A condition, que la durée de vie des installations soit celle promise…
Une grande partie des panneaux photovoltaïques se dégrade plus rapidement qu’attendu quand ils sont soumis à de fortes chaleurs et à de l’humidité. On est parfois très loin de la durée de vie annoncée de 25 ans avec 80% de la performance initiale. Cela tient au fait que les films adhésifs EVA (éthylène-acétate de vinyle) traditionnels, qui encapsulent les cellules des panneaux et détiennent 65% des parts de marché, cachent un secret inavouable. Ils se dégradent sous l’effet de la chaleur et de l’humidité en libérant de l’acide acétique qui corrode les cellules et entraîne une perte de puissance importante en seulement quelques années d’utilisation dans les climats très humides. En clair, le panneau solaire commence à produire du vinaigre à l’intérieur… Cet acide corrode les contacts des cellules, provoquant un « brunissement » ou un jaunissement qui réduit fortement leur efficacité. Et cela a d’autant plus d’impact sur l’équilibre économique des parcs solaires que leur taux de charge, période réelle de production, est de l’ordre de 15% sur l’année (en France) par rapport à leur puissance théorique.
L’industrie minimise le problème
Quand on visite une chaîne de fabrication de modules solaires, on perçoit immédiatement une odeur spécifique et âcre. Ce n’est pas celle du silicium ou du verre, mais celle de l’éthylène-acétate de vinyle (EVA) qui est chauffé… Cette « colle chaude » de qualité industrielle permet l’assemblage et la protection dans le temps des cellules. Ces films chimiques ont un rôle essentiel. Ils doivent résister pendant un quart de siècle dans les déserts comme dans les régions tropicales humides aux assauts incessant des rayons UV, des intempéries et des cycles thermiques tout en conservant la clarté optique d’une lentille haut de gamme. Et si le matériau ne résiste pas, l’équipement est perdu…
Le discours officiel de l’industrie, contrôlée à 80% par des producteurs chinois, est celui d’une « fiabilité accrue » et de « conceptions à haut rendement » offertes par l’utilisation de nouveaux matériaux pour encapsuler les cellules tels que le POE (élastomère de polyoléfine). En fait, l’industrie est engagée dans une course contre la montre pour rattraper son erreur technologique. C’est une nécessité pour que les nouveaux modules solaires puissent atteindre leur durée de vie promise. Le passage au POE et à l’EPE (un sandwich d’EVA et de POE) n’est pas un progrès… C’est une solution technique d’urgence pour remédier à un problème de corrosion qui menace la rentabilité et la pérennité d’une partie des investissements solaires dans le monde. Si le film adhésif des panneaux d’une centrale de 100 MW se dégrade prématurément, la perte ne se limite pas au coût du plastique. Il s’agit du coût actualisé de l’énergie pour l’ensemble du projet qui s’envole. Lorsqu’un promoteur construit un site sur la base d’une durée de vie de 25 ans et que « l’effet vinaigre » se produit à la dixième année, son projet n’est plus du tout rentable…
Un marché mondial des films adhésifs qui va passer de 38 à 45 milliards de dollars en quelques années
L’industrie solaire aime parler de « croissance illimitée » et de « percées technologiques ». Mais elle est aujourd’hui contrainte de dépenser des milliards supplémentaires dans des films « avancés » uniquement pour tenir la promesse faite il y a de nombreuses années avec des matériaux plus simples à fabriquer et moins coûteux. Les prix des films POE sont nettement plus élevés que ceux des films EVA, de 30 à 50%.
Pour bien mesurer l’ampleur du problème, il faut savoir que le marché mondial mondial des films adhésifs photovoltaïques était évalué à 38 milliards de dollars en 2024 et doit passer à 45 milliards de dollars en 2031 en changeant radicalement de technologies et de processus industriels. En 2024, l’industrie mondiale a fabriqué 650 GW de modules. Cela correspond à environ 600 kilomètres carrés de film adhésif… La superficie de la ville de Paris est de 105 kilomètres carrés.
La technologie est chinoise
Si le rayonnement solaire est gratuit, les catalyseurs nécessaires à la fabrication de POE haute performance ne le sont pas. La production de ces polymères nécessite des investissements importants (environ 1.500 dollars par tonne de capacité) et de gérer également une situation complexe en matière de brevets. Aujourd’hui, environ 30% des nouveaux panneaux solaires produits sont déjà passés au POE. Cette évolution fait passer le pouvoir des fournisseurs de produits chimiques génériques à une poignée de géants… chinois de la science des matériaux qui peuvent contrôler la chaîne d’approvisionnement et surtout possèdent les formulations chimiques qui seules peuvent rendre l’énergie solaire viable à long terme.
C’est un problème supplémentaire pour les filières photovoltaïques aux Etats-Unis et en Europe. Regagner de la souveraineté et de la sécurité d’approvisionnement dans le solaire va s’avérer encore plus difficile. Il est assez facile de construire une usine d’assemblage de modules dans l’Ohio ou en Allemagne, mais si elle ne dispose pas de la « colle » qui empêche les cellules de se corroder, cela ne mène nulle part. Le coût réel de la « relocalisation » de l’industrie solaire n’est pas seulement celui de la main-d’œuvre et des usines, mais de la chaîne d’approvisionnement en produits chimiques.
Enfin, il reste une autre inconnue. Celle de la durée de vie réelle des cellules passées au POE. Les tests de vieillissement accéléré en laboratoire qui consistent à exposer un panneau aux rayons UV et à la vapeur pendant 2.000 heures ne reflètent que partiellement la réalité. L’usure réelle au bout de 10 ans, 15 ans, 20 ans ne répond pas aux mêmes processus. Si l’espérance de vie des panneaux n’est pas celle attendue, le coût de remplacement ou de remise en état des actifs défaillants sera colossal. L’industrie solaire ne vend pas seulement de l’énergie, elle vend la promesse que sa chimie peut vaincre le soleil… sur la durée.













