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Pour la Cour des comptes, la politique de lutte contre la pollution automobile est totalement inefficace


Un rapport de la Cour des comptes, rendu public fin septembre et passé assez inaperçu, souligne l’inefficacité des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air et tout particulièrement celle provenant de la circulation automobile. Il dénonce la confusion entretenue entre  pollutions aux particules et à l’oxyde d’azote et émissions de CO2. Ainsi, les vignettes crit’air et les différents malus automobiles n’ont à peu près aucun impact sur la pollution atmosphérique.

Il ne s’agit pas d’une diatribe ou même d’une étude émanant d’une association de défense des automobilistes ou des contribuables. C’est un très sérieux rapport de la Cour des comptes sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air. Il montre que les différents dispositifs mis en place pour diminuer la pollution atmosphérique en France, notamment provenant de la circulation automobile comme la vignette Crit’air ou le malus, n’ont aucune efficacité.

Confusion entre pollutions aux particules et à l’oxyde d’azote et émissions de CO2

La Cour des comptes souligne la confusion entretenue entre la pollution atmosphérique, provenant des particules fines et de l’oxyde d’azote sortant des tuyaux d’échappement, et les émissions de CO2. Le CO2 émis dans l’atmosphère participe au réchauffement climatique mais n’est pas un polluant en tant que tel. Le CO2 est indispensable à la vie sur terre et il en sort en permanence de notre système respiratoire. «La réduction des émissions de gaz à effet de serre et celle des polluants ne vont pas systématiquement de pair…», explique la Cour.

Ce rapport, passé assez inaperçu, a été rendu public à la fin du mois de septembre et a été réalisé à la demande de la Commission des finances du Sénat. Il s’intéresse particulièrement aux émissions en provenance des transports, avec quatre recommandations faites sur les douze au total aux «principaux secteurs émetteurs» qui comprennent donc les transports mais le le résidentiel-tertiaire, l’industrie et l’agriculture.  Le rapport reconnait aussi, rapidement, que «les émissions de polluants atmosphériques ont sensiblement diminué depuis les années 1990… Pour les métaux lourds, ces baisses peuvent atteindre de 85 à 97% depuis 1990, tandis que les émissions d’oxydes d’azote diminuent de 62%».

Mais cela ne signifie pas pour autant que les politiques publiques sont efficaces. Ainsi, le système Crit’Air est jugé absurde. La Cour des comptes recommande de «prendre en compte les émissions des véhicules automobiles en conditions réelles de conduite dans la classification Crit’air et d’expérimenter l’affichage à la vente des émissions de CO2 et de polluants des véhicules en conditions réelles de conduite». Actuellement, «la réglementation n’impose en effet que l’affichage des émissions de CO2, qui correspondent d’ailleurs aux émissions théoriques et non aux émissions réelles».

Exemple, «la classification Crit’air, n’apparaît pas pertinente en ce qui concerne les véhicules Euro 5 et Euro 4 diesel pour le dioxyde d’azote… En prenant en compte les émissions réelles, un véhicule diesel classé Crit’air 2 et correspondant à la norme Euro 5 émet ainsi en réalité la même quantité d’oxydes d’azote qu’un véhicule diesel Euro 4, classé Crit’air 3».

Le rapport s’en prend plus particulièrement aux moteurs diesel dont «les émissions [de dioxyde d’azote] en conditions réelles de conduite représentent quatre à six fois les normes fixées, ce qui explique que les concentrations de dioxyde d’azote en zones urbaines n’aient pas diminué à la mesure du renouvellement du parc automobile…».

Concernant les particules fines, la circulation automobile, dénoncée pendant des années comme la principale responsable, est moins montrée du doigt aujourd’hui. Il faut dire que les chiffres de pollution aux particules fines pendant la période de confinement montrent qu’en dépit d’une baisse historique de la circulation automobile, elle n’a pas du tout diminué en région parisienne. Il y a même eu un pic de pollution aux particules fines le 28 mars! Dans son rapport, la Cour dénonce le chauffage au bois notamment qui émet beaucoup de particules fines. «Le recours à la biomasse pour le chauffage individuel est un procédé au bilan intéressant en matière d’émissions nettes de gaz à effet de serre mais fortement émetteur de particules fines…».

Un malus qui s’attaque réellement à la pollution

Le malus automobile, dont le plafond va être relevé à 40.000 euros l’an prochain et à 50.000 euros en 2022, est encore moins efficace que le système Crit’air pour s’attaquer à la pollution de l’air. Il a même «favorisé la diésélisation du parc jusqu’à ces dernières années». «Le malus automobile (…) n’est pas calibré en fonction des émissions de polluants, mais du CO2, qui est un gaz à effet de serre et non un polluant atmosphérique», pointe le rapport, ajoutant que «la prime à la conversion peut quant à elle être octroyée pour l’achat de véhicule diesel Euro 5 ou 6 pour les ménages aux revenus les plus modestes».

Pour la Cour des comptes, il faut «intégrer, dans le malus automobile et les autres dispositifs d’aide au renouvellement, des paramètres liés aux émissions de polluants atmosphériques, dont le poids du véhicule». La Cour des comptes défend ainsi le malus au poids qui finalement ne figure plus dans la loi de finances pour 2021. Elle s’en prend ainsi à la mode des SUV dénoncée par de nombreuses ONG et institutions dont l’Agence internationale de l’énergie.

Dernière recommandation faite par la Cour des comptes: «poursuivre le rééquilibrage de la fiscalité entre le diesel et l’essence, suspendu fin 2018». Le mouvement des gilets jaunes est passé par là. Du coup, la France fait toujours «partie des quatre pays présentant le plus fort taux de diésélisation de leur parc: 64%, contre 61% en Italie, 55% aux Pays-Bas, 49% en Allemagne, 28% au Japon et 20% environ aux USA». En fait, la France est de loin le pays ayant le parc diesel le plus important en proportion…

Dans le transport de marchandises cette fois, la Cour cite une autre réforme laissée de côté: l’écotaxe poids lourds. Elle avait été suspendue en 2014, face aussi à un mouvement de protestation, celui des bonnets rouges. Un abandon jugé «particulièrement néfaste». «Les États disposant d’une fiscalité sur l’usage des infrastructures par les poids lourds ont sensiblement accéléré le report de la route vers le rail», souligne le rapport.

La rédaction