Transitions & Energies

Aller chercher des minerais rares et chers dans l’espace, sur la lune ou sur des astéroïdes, bientôt une réalité


Des start-ups américaine, anglaise et chinoise, la NASA, ont investi des dizaines de millions de dollars et vont continuer à le faire pour développer les technologies (satellites, sondes, télescopes, excavatrices, robots…) qui permettront un jour d’aller chercher des minéraux rares et chers sur la lune ou sur des astéroïdes. Cela peut sembler paradoxal, mais cela pourrait être relativement plus facile et même moins coûteux à terme que prélever ses minéraux dans la croute terrestre. Parce qu’ils sont plus concentrés, plus accessibles et qu’il n’y a pas de problèmes d’environnement.

Cela peut sembler être une pure utopie issue de nouvelles de science-fiction. Mais il y a peu de doutes sur le fait que cela va se faire. De façon expérimentale dans un premier temps, et sans doute plus facilement sur la lune que sur des astéroïdes, mais l’humanité va aller chercher les matériaux dont elle a besoin, notamment pour mener la transition énergétique, dans l’espace. Et paradoxalement pour des raisons économiques et environnementales. Car si les ressources ne manquent pas sous terre, il est de plus en plus difficile et coûteux d’aller les chercher.

Il y a ainsi un peu plus d’un an, en avril 2023, un petit satellite de la taille d’un four à micro-ondes a été mis sur orbite pour expérimenter certaines technologies permettant de récupérer et raffiner des minerais rares et chers sur des astéroïdes. Il a été construit par une société américaine baptisée  AstroForge. La mission n’a pas été couronnée de succès et a rencontré une multitude de problèmes. Mais AstroForge ne renonce pas et doit bientôt envoyer un nouvel engin dans l’espace. Cette fois, il s’agit d’une sonde qui frôlera un astéroïde et sera capable d’analyser les quantités de minéraux qu’il renferme.

Tester en 2026 du matériel d’excavation robotisé sur un astéroïde

AstroForge n’est pas un cas isolé. Loin de là. Une autre société américaine, TransAstra, a développé un télescope spécifique permettant de détecter des astéroïdes et d’obtenir des informations précises sur leur composition. C’est ce que fait aussi l’entreprise chinoise Origin Space via un satellite d’observation en orbite autour de la terre qui scanne les astéroïdes qui passent à sa portée. Karman+, une start-up américaine, est plus ambitieuse encore et annonce avoir l’intention d’envoyer en 2026 du matériel d’excavation robotisé sur un astéroïde pour le tester. Toutes ces sociétés ont obtenu des dizaines de millions de dollars d’investisseurs spécialisés dans le capital risque pour financer leurs projets.

Ce n’est pas le cas de l’entreprise anglaise Asteroid Mining Corporation qui entend construire son développement par étapes en commençant par des produits technologiques qui seront d’abord utilisés et rentabilisés sur terre. En 2021, elle a établi un partenariat avec le laboratoire japonais Tohoku University Space Robotics afin de développer… des robots de l’espace. Ils ont construit ensemble un robot à six pattes baptisé Space Capable Asteroid Robotic Explorer ou SCAR-E (voir l’image ci-dessus). Il est conçu pour opérer dans des environnements à très faible gravité et pour se déplacer sur des surfaces difficiles et y récupérer des données et des échantillons. En 2026, une démonstration des possibilités de SCAR-E devrait être faite sur la lune.

Objectif lune

Les projets les plus avancés concernent justement la lune. La NASA entend installer une base lunaire habitée au cours de la prochaine décennie. La Chine veut également établir une station lunaire permanente de recherche. En décembre 2020, la NASA a conclu des contrats avec quatre sociétés dont la mission sera de récupérer une petite quantité de minerais sous la surface du sol lunaire et d’apporter ainsi la preuve que l’extraction y est possible.

Le potentiel est gigantesque. Il y a sur la lune et de nombreux astéroïdes du platine, de l’iridium, du cobalt, du nickel… Des métaux qui sont indispensables à la fabrication des composants électroniques, des batteries, des piles à combustible… Et ils peuvent être disponibles dans l’espace à la fois en grande quantité et de façon très concentrées et donc relativement facile à extraire. Et puis dans l’espace, le problème des conséquences environnementales parfois désastreuses de l’exploitation minière sur terre ne se pose pas.

Un environnement légal qui change

Maintenant, comme avec tous les projets utopiques, il faut faire preuve de prudence. Il y a à peine une dizaine d’années plusieurs start-ups américaines s’étaient déjà créées dans l’espoir d’aller récupérer des matériaux dans l’espace. Elles ont fait faillite car l’équation économique et technique était trop difficile à résoudre. La situation a aujourd’hui changé. Le coût des fusées spatiales a fortement diminué et l’appétit pour les minerais rares et chers a augmenté. L’environnement légal a aussi changé. Aujourd’hui, des pays comme les Etats-Unis, le Japon, les Emirats Arabes Unis ou le Luxembourg ont des législations qui défendent le droit de leurs sociétés nationales à s’approprier des matériaux dans l’espace. Et ce n’est qu’un début.

Mais il restera un dernier calcul à faire. En termes d’avantages pour l’environnement, vaut-il mieux aller chercher des matériaux dans l’espace en faisant décoller et rentrer dans l’atmosphère des fusées ou ouvrir de nouvelles mines dans les flancs des montagnes terrestres ?

La rédaction