Le ministre de l’Industrie a annoncé ce jour par un communiqué, la prochaine publication du décret de 3ème programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ainsi ce décret paraîtrait alors qu’est encore en discussion une proposition de loi qui doit fixer les orientations de PPE conformément à l’article 100-1 A du code de l’énergie. Cette inversion d’ordre entre la loi et le règlement, manifestement illégale, a toutes les apparences d’un pari sur l’échec du processus législatif. Cette précipitation est d’autant plus incompréhensible que l’urgence de publier ce décret n’est en rien démontrée dans un contexte de surabondance durable d’électricité et de saturation des réseaux en électricité intermittente d’origine éolienne et solaire. Une inversion entre loi et décret qui est contraire à la hiérarchie des normes.
Le Cérémé rappelle que l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie prévoit que les objectifs de la politique énergétique sont déterminés par une loi « avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans ». Cette loi se fait encore attendre depuis plus de deux ans. L’article L. 141- 1 du même code prévoit bien que la programmation pluriannuelle de l’énergie soit ensuite fixée par décret, mais cela « afin d’atteindre les objectifs définis aux articles L. 100-1, […] ». Il y a donc bien une inversion contraire à la hiérarchie des normes.
Le ministre de l’Industrie est d’ailleurs conscient de cette incongruité puisqu’il se croit obligé de préciser dans son communiqué que le décret sera adapté s’il se révèle contraire, après l’adoption de celle-ci, à la future loi.
Pour mémoire, la PPL, dite Gremillet, doit en effet passer en seconde lecture à l’Assemblée nationale fin septembre, avant de passer en commission mixte paritaire mi-octobre.
Par la publication du décret avant la fin du parcours législatif de cette loi, le Gouvernement violerait l’ordre constitutionnel et enverrait un message dangereux au Parlement et aux citoyens. Que se passerait-il si les projets lancés dès la publication du décret s’avéraient contraire aux dispositions de la loi ?
L’urgence de publier ce décret n’a pas été et n’est toujours pas démontrée
La France connaît depuis 5 ans une stagnation de la demande d’électricité d’où résulte une surproduction chronique, qui s’aggrave dangereusement depuis le début 2025, comme l’ont souligné récemment RTE et la CRE.
La facture payée par les contribuables et les consommateurs au bénéfice des producteurs éoliens et photovoltaïques (CSPE) augmente chaque jour, ainsi que le montre la hausse annoncée par la CRE dans sa lettre du 1 er août, qui va passer de 10,9 Mds€ en 2025 à 12,9 Mds € pour 2026 et dont l’essentiel (9,7 Mds) est supporté par le budget de l’Etat .
En outre la puissance éolienne et photovoltaïque déjà en production atteint l’équivalent de la puissance de 45 réacteurs nucléaires. Le nombre d’épisodes de prix négatifs n’a jamais été aussi élevé. Les temps d’arrêts ou de ralentissement de la production nucléaire pour absorber le déferlement des productions intermittentes éoliennes et solaires en surplus, n’ont jamais été aussi longs. Ils entraînent des milliards de pertes pour EDF qui se répercutent sur le coût de l’électricité.
Enfin l’étude des avantages comparés des différents scénarios de mix électrique pour atteindre la neutralité carbone en 2050, lancée par RTE pour tenir compte de cette situation, rendra ses conclusions dans 18 mois.
Parmi les arguments avancés pour la publication anticipée du décret, celui qui évoque la nécessité de donner sans délais des contrats aux producteurs éoliens et photovoltaïques pour de gigantesques appels d’offre qui vont aggraver les déséquilibres entre l’offre et la demande et la facture électrique de nos concitoyens, est le plus choquant. Comme s’il fallait que cette industrie engrange les garanties de prix pour 20 ans données par l’Etat, sans attendre les conclusions de l’étude RTE qui pourrait remettre en cause leur utilité.
Faut-il y voir la vraie raison de cette volonté de publication précipitée ? Il est sage que le Premier Ministre ait décidé, semble-t-il, de ne pas suivre la proposition du ministre de l’Industrie.