Transitions & Energies

Les biocarburants peinent à s’imposer dans le transport aérien


Un Boeing ou un Airbus consomme en moyenne en vol 4 litres de carburant par seconde. Avec quelques centaines de passagers, cela revient à 25 kilomètres par litre et par passager. C’est une meilleure performance que la plupart des voitures, mais les distances parcourues sont bien plus grandes. La consommation de kérosène par l’aviation civile dans le monde était de 430 milliards de litres en 2017, environ 8% de la production totale d’hydrocarbures. Et cela pourrait doubler ou même tripler d’ici 2050 si la démocratisation du transport aérien se poursuit au rythme actuel. D’autant que le kérosène est très compétitif. Techniquement très proche du diesel, il coûte bien moins cher à seulement 50 centimes d’euros par litre en moyenne.

Sans surprise, le kérosène est devenu une source grandissante d’émissions de gaz à effet de serre, même si il ne représente que 2% à 3% du total à environ 850 millions de tonnes de CO2 par an. Mais il faut trouver un moyen de réduire ses émissions et il existe peu de solutions réalistes techniquement comme économiquement aujourd’hui.

Les avions électriques et même hybrides ne sont que des maquettes et des prototypes. Il est difficile d’imaginer d’en voir produit industriellement et voler commercialement avant des décennies et encore sur de courtes distances. Les avions utilisant de l’hydrogène comme carburant sont techniquement faisables. Mais cela nécessiterait la conception et la fabrication d’appareils totalement différents de ceux existants aujourd’hui et cela prendra aussi des décennies. Conclusion, la seule solution existante aujourd’hui pour réduire la dépendance aux carburants fossiles du transport aérien consiste à utiliser des biocarburants.

L’International Renewable Energy Agency (IRENA) s’alarme et montre dans une étude que la situation devient préoccupante car le marché du biocarburant aérien n’existe toujours pas. Selon l’IRENA, les producteurs et les investisseurs dans les biocarburants ont absolument besoin du soutien des gouvernements et des régulateurs pour accélérer l’utilisation de biocarburants dans le transport aérien. Sinon, la transition ne se fera pas.

Cela est d’autant plus nécessaire que pour que les biocarburants soient compétitifs avec les prix attractifs du kérosène, il est indispensable de passer à une échelle industrielle. Les progrès techniques sont rapides dans les biocarburants mais faute de débouchés les investissements dans ce secteur se sont effondrés, de 20 milliards de dollars en 2006 à 3 milliards en 2018!

La production mondiale de biocarburants était de 150 milliards de litres en 2018. Sur ce total, seulement 17 millions de litres était des biocarburants avancés pour l’aviation. Ils sont issus d’une seule usine en Californie. Cela représentait 0,004% du carburant aérien utilisé dans le monde…

Et pourtant, dans les prévisions de l’International Air Transport Association (IATA), l’utilisation de biocarburants compte pour la moitié de la réduction des émissions de CO2 par le transport aérien d’ici 2050, le reste provenant de progrès dans les économies de carburants. Cela signifie qu’en 2050, il faudra produire environ 400 milliards de litres par an de biocarburants aviation. D’où vont-ils venir?

Pour y parvenir, l’IRENA souligne que seuls les gouvernements peuvent contraindre les compagnies aériennes à utiliser les biocarburants notamment en leur faisant payer une taxe carbone. Comme ils ne sont pas compétitifs en terme de prix, il faut renchérir le coût d’utilisation du kérosène. En l’état actuel de la technologie, il n’est pas possible d’obtenir un prix des biocarburants pour l’aviation inférieur à 90 centimes d’euro le litre. Utiliser un tel carburant reviendrait à augmenter le prix des billets d’au moins 20%. Aucune compagnie ne le fera si elle n’y est pas contrainte.

La rédaction