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Usine de gaz liquéfié en Alaska ConocoPhilips

Pour l’AIE, la Russie est le principal responsable de la crise du gaz en Europe


Pour le Directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol, le principal responsable de l’envolée des prix du gaz et donc de l’électricité en Europe est la Russie. Moscou a volontairement limité depuis des mois ses exportations de gaz vers l’Europe pour faire monter la pression politique sur les dirigeants des pays européens. Illustration de cette situation inédite, pour la première fois en janvier les livraisons d’urgence américaines de Gaz naturel liquéfié (GNL) par méthaniers seront cinq fois supérieures en quantité aux livraisons russes par gazoducs.

Il n’est pas dans les habitudes de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de dénoncer publiquement des pays. Mais les temps changent. L’AIE n’a pas hésité il y a quelques jours, dans une tribune signée par son directeur exécutif Fatih Birol, à accuser la Russie de délibérément restreindre l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe. Moscou est le principal fournisseur de gaz de l’Europe et pourrait, selon l’AIE, fournir bien plus de gaz à l’Europe mais ne le fait pas pour des raisons politiques.

«Il y a une grande tension sur le marché européen du gaz en raison du comportement de la RussieNous voyons de nombreux éléments qui pointent vers un resserrement artificiel du marché européen du gaz qui semble être lié au comportement du fournisseur de gaz russe contrôlé par l’Etat», écrit Fatih Birol. «Au contraire d’autres fournisseurs par gazoducs -comme l’Algérie, l’Azerbaïdjan et la Norvège- la Russie a réduit ses exportations vers l’Europe de 25% au quatrième trimestre de 2021 par rapport à la même période de 2020 et de 19% par rapport aux niveaux de 2019. Et cela en dépit des niveaux exceptionnellement élevés des prix du gaz naturel que nous avons vu au cours des derniers mois». ajoute-t-il.

La Russie pourrait facilement augmenter ses livraisons de gaz

Le Directeur exécutif de l’AIE estime que la Russie pourrait facilement augmenter ses livraisons de gaz à l’Europe, d’au moins un tiers par rapport aux niveaux actuels. Il ajoute que le faible niveau des réserves de gaz dans l’Union européenne est largement dû au groupe gazier public russe Gazprom, qui a cependant toujours affirmé qu’il s’en tenait à ses obligations d’approvisionnement envers l’Europe. Et Fatih Birol souligne la faiblesse européenne face à la Russie. «L’Europe dans son ensemble n’a pas accordé une attention suffisante au rôle crucial du stockage de gaz dans la sécurité de ses approvisionnements en gaz.»

Illustration de cette situation inédite, les importations d’urgence des Etats-Unis par l’Europe de Gaz naturel liquéfié (GNL) vont représenter en janvier cinq fois plus que les livraisons russes par gazoducs. Du jamais vu. Au moins 30 méthaniers transportant du GNL se sont dirigés et se dirigent depuis quelques semaines vers les ports européens en provenance des Etats-Unis. Les prix du GNL en Europe sont supérieurs à ceux de l’Asie et 14 fois plus élevés qu’aux Etats-Unis!

«Mais sans des importations russes supplémentaires, la possibilité de reconstituer les réserves et d’éviter une répétition de la crise de l’an dernier est faible», estime Kateryna Filippenko, analyste spécialisée sur le marché européen du gaz de WoodMac, citée par oilprice.com. Elle ajoute que «Gazprom a été jusqu’à aujourd’hui réticent à fournir plus de gaz via les gazoducs existants. Et le démarrage du gazoduc Nord Stream 2 reste la grande inconnue car Gazprom doit encore réussir à franchir des obstacles réglementaires. Et les relations politiques entre la Russie et l’Europe se sont tendues depuis que des troupes russes ont été amassées le long de la frontière ukrainienne».

Nord Stream 2, une arme politique

La mise en fonction de Nord Stream 2 a été repoussée car le gazoduc viole les règles européennes de la concurrence. Selon les directives européennes sur l’énergie, les fournisseurs de l’Europe ne peuvent contrôler à la fois les produits livrés et l’infrastructure de livraison. Or c’est le cas de Gazprom avec Nord Stream 2. La décision de certification de Nord Stream 2 par le régulateur allemand n’est pas attendue avant mi-2022. Et elle est loin d’être acquise.

Le nouveau gouvernement allemand dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz se montre nettement moins conciliant avec la Russie que celui d’Angela Merkel. Il considère que Nord Stream 2 est une arme politique. Il permet à Moscou de contourner l’Ukraine, voie de transit utilisée actuellement pour une bonne partie du gaz russe acheté par l’Union européenne. Long de 1.200 kilomètres, il passe sous les eaux de la Baltique, de la Russie au nord-est de l’Allemagne, et a toujours été défendu par l’ancienne chancelière conservatrice Angela Merkel qui a sans cesse cherché à ménager Moscou.

La rédaction