Transitions & Energies

L’optimisation de la maintenance du parc nucléaire français est une nécessité


La maintenance des réacteurs nucléaires en France prend plus de temps que dans la plupart des autres pays. Un audit explique pourquoi. Temps de travail, organisation défectueuse, contraintes réglementaires… Le mal français.

A l’aube d’un hiver particulièrement difficile pour le réseau électrique français, pris en étau entre un parc nucléaire soumis à un nombre inédit d’arrêts, la crise du gaz liée à la guerre en Ukraine mais aussi à une sécheresse persistante nuisant aux capacités de production hydroélectrique, l’amélioration de la maintenance des réacteurs est au cœur de tous les débats.

Le premier à avoir allumé la mèche n’est autre que le président sur le départ d’EDF, Jean-Bernard Lévy, le 29 août. Devant un parterre de chefs d’entreprise réunis pour les universités d’été du MEDEF, il avait expliqué que ces difficultés venaient des revirements des gouvernements successifs sur la politique nucléaire française. «On manque de bras parce que l’on n’a pas assez d’équipes formées… Un soudeur, un tuyauteur, il faut deux-trois ans pour le former […] Nous, avec la filière, nous n’avons pas embauché de gens pour construire douze centrales, nous en avons embauché pour en fermer douze».

Temps de travail, réglementation, organisation

Cette mise en cause directe de l’Etat et de ses errements possède un fond de vérité. Il paraît normal que la gestion des ressources humaines anticipe la charge de travail à venir.
Cependant, la disponibilité des réacteurs nucléaires français pose question depuis plusieurs années. En effet, celle-ci s’établit depuis bien longtemps largement en dessous de la disponibilité moyenne des pays exploitant cette énergie. Face à ces interrogations, l’ancienne ministre de l’énergie, Barbara Pompili, avait réclamé un audit extérieur sur la situation. Audit qui a été rendu cet été.

Celui-ci, sans remettre en cause l’explication du Pdg d’EDF puisque la problématique des ressources humaines figure en bonne position, apporte un certain nombre de nouveaux éclairages ainsi qu’un certain nombre de recommandations.

Du côté des explications à cette disponibilité moindre comparativement aux moyennes internationales, les auditeurs apportent plusieurs explications: le contexte réglementaire, notamment en matière de droit du travail, contribue à rendre les arrêts de tranche de plus en plus longs. Le niveau d’exigence croissant, synonyme de sécurité, participe aussi à cette évolution. La maîtrise des volumes et des aléas techniques sont aussi, d’après cet audit, perfectibles.

Cependant, malgré tous les points restant à améliorer, ce rapport offre aussi un excellent point à EDF: le projet START 2025 (Soyons Tous Acteurs de la Réussite des Arrêts de Tranches) ayant pour but de moderniser la gestion des opérations de maintenance du parc nucléaire, lancé en 2020, apporte un certain nombre d’améliorations visibles: une plus grande décentralisation au niveau des sites, une meilleure répartition des effectifs, avec la création de réserves régionales afin de parer aux imprévus, etc.

Le rapport fait six recommandations

Parmi elles, l’une mérite une attention toute particulière. Il est notamment suggéré d’accélérer le passage de 12 à 16 mois des cycles combustibles des réacteurs de 900 MWe.
Pourquoi? Car aujourd’hui chaque réacteur a un cycle de combustible calculé invariablement sur 12 mois. Obligeant à l’arrêt du réacteur au moins une fois par an pour recharger son combustible.

Ce qui est proposé, c’est d’étendre aux réacteurs de 900 MWe ce qui sera mis en place dès 2023 sur les grands frères de 1300 MWe. C’est-à-dire ouvrir la possibilité de varier le nombre d’assemblages d’uranium neufs chargés, permettant de varier la durée des cycles afin d’optimiser les périodes de rechargement (afin de conserver un maximum de puissance disponible lors des moments de forte consommation).

Mais pour finir sur une touche rassurante, l’équipe d’auditeur montre en conclusion que cette question de la maîtrise industrielle des arrêts de tranche s’est posée chez la plupart des exploitants nucléaires, et qu’il leur a été possible, après une période de baisse de disponibilité, de corriger et retrouver une exploitation performante.

Nous savons qu’entre le grand carénage, les problématiques de corrosion sous contrainte et ces modifications structurelles majeures, la situation s’améliorera progressivement à partir de 2023 mais restera tendue jusqu’en 2026. Espérons qu’EDF, de son côté, profite de ces périodes troubles afin de faire les réformes internes qui lui sont nécessaires.

Philippe Thomazo

La rédaction