Transitions & Energies

L’épidémie de coronavirus provoque un contrechoc pétrolier


Le ralentissement soudain de l’économie chinoise, à la suite de l’épidémie de coronavirus, a un impact brutal sur les cours du pétrole. La chute atteint plus de 20% depuis le début de l’année au point de provoquer une réunion d’urgence de l’OPEP. La Chine est le premier importateur de pétrole au monde.

L’impact économique de l’épidémie de coronavirus commence à se faire sentir, y compris dans le domaine de l’énergie. Le ralentissement soudain de l’économie chinoise a un impact brutal sur les cours du pétrole. A tel point que l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) s’affole et se réunit en urgence avec ses alliés dont la Russie les 4 et 5 février pour analyser la situation…  L’objectif est de savoir comment juguler la baisse des cours et il est même envisagé d’augmenter de 500.000 barils par jour les limitations de production en vigueur depuis deux ans. Mais il n’est pas sûr du tout que cela soit efficace.

Car les cours du baril de Brent sont en chute libre. Ils sont passés de plus de 69,5 euros au début du mois de janvier à 54,1 euros le 3 février, une chute de plus de 22%! Le prix du pétrole est ainsi revenu à ses niveaux de janvier 2019.

Le choc le plus soudain depuis le 11 septembre 2001

Cela s’explique aisément. La Chine est le premier importateur mondial de pétrole et le deuxième consommateur derrière les Etats-Unis. Selon l’agence Bloomberg, depuis le début de l’épidémie la demande chinoise a baissé de 3 millions de barils par jour, soit 20% de sa consommation totale, et totalement bouleversé l’équilibre déjà précaire du marché pétrolier. Pour donner un ordre d’idée, il s’agit du plus important choc sur la demande de pétrole depuis la crise financière et économique de 2008 et du choc le plus soudain depuis le 11 septembre 2001. La Chine est devenue le plus important importateur de pétrole devant les Etats-Unis depuis 2016. Le pays consomme environ 14 millions de barils par jour, l’équivalent de ce qu’utilisent la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Japon et la Corée du sud combinés.

La part de la Chine dans le commerce mondial était de 12,8% l’an dernier. Elle était de 5,3% en 2003 lors de l’épidémie du SRAS. La production industrielle chinoise est aujourd’hui indispensable à de nombreux secteurs d’activité dans le monde, notamment l’électronique, l’énergie (éolienne et solaire), le textile… «La Chine assure aujourd’hui à elle seule un tiers de la croissance économique mondiale, une part plus importante que celles additionnées des Etats-Unis, de l’Europe et du Japon», expliquait récemment Andy Rothman, un économiste de Matthews Asia, devant le Congrès américain.

Face à l’épidémie de coronavirus, Beijing a mis des dizaines de millions de personnes en quarantaine et a prolongé les vacances du nouvel an chinois. Les transports à l’intérieur et vers l’extérieur fonctionnent au ralenti et pour éviter une panique sur les marchés, la banque centrale chinoise a annoncé des injections massives de liquidité dans le pays pour un total de 170 milliards de dollars.

L’OPEP dans une situation difficile

Les raffineries chinoises stockent en grande quantité les carburants qui ne se vendent plus, notamment le gasoil et le kérosène. Certaines raffineries pourraient rapidement atteindre les limites de leurs capacités de stockage ce qui réduira immédiatement leurs capacités de raffinage et diminuera encore les importations de pétrole.

L’OPEP et ses alliés se trouvent dans une situation délicate. Pour soutenir les cours du baril tandis que l’économie mondiale ralentit depuis plusieurs mois, de gros producteurs comme l’Arabie Saoudite ont accepté de réduire leur production à ses niveaux de 2014. La Russie, qui est devenue le principal producteur de la coalition avec l’Arabie Saoudite, a eu plus de mal à accepter de réduire sa production et ne semble pas enclin à vouloir faire un pas supplémentaire. Mais la perspective d’un effondrement des cours a de quoi effrayer des pays dont les ventes de pétrole et de gaz représentent l’essentiel des exportations et des recettes fiscales.

Selon les prévisions des experts, l’épidémie de coronavirus pourrait atteindre son maximum en mars et selon le cabinet Sanford C. Bernstein & Co., le pétrole pourrait d’ici là tomber à 50 dollars le baril sans une intervention de l’OPEP. Pour les analystes de Citigroup, le baril pourrait même descendre jusqu’à 47 dollars avant de rebondir seulement en fin d’année. Ils estiment que les conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus seront bien plus importantes qu’initialement anticipées.

La rédaction