<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Relance du nucléaire aux Etats-Unis: l’administration Trump à la manœuvre

31 octobre 2025

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Relance du nucléaire aux Etats-Unis: l’administration Trump à la manœuvre

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Les Etats-Unis aussi font le pari de la relance du nucléaire civil et de la construction de nouveaux réacteurs. L’administration Trump en a fait une de ses priorités et vient d’annoncer un partenariat majeur avec le géant nucléaire américain, le groupe Westinghouse, et entend lui apporter plus de 80 milliards de dollars pour lancer la construction de 10 nouveaux réacteurs d’ici 2030. Les Etats-Unis ne veulent pas laisser la Chine devenir la puissance dominante de l’énergie nucléaire. Quant à la France, elle peine toujours à trouver les moyens de financer l’annonce il y a trois ans et demi de la construction de six nouveaux réacteurs…

En matière d’énergie nucléaire, les Etats-Unis sont à l’arrêt depuis mars 1979 et l’incident grave de la centrale de Three Mile Island (Pennsylvanie). Depuis plus de 45 ans, seuls deux réacteurs ont été laborieusement construits sur le sol américain à plant Vogtle en Georgie (voir la photographie ci-dessus). Et si les Etats-Unis ont encore le premier parc nucléaire civil du monde, la Chine est en train de les rattraper. Mais avec l’administration Trump tout est en train de changer.

En mai dernier, Donald Trump a signé quatre décrets pour « redynamiser le parc nucléaire industriel ». Ils visent à faciliter la construction aux Etats-Unis de nouveaux réacteurs et le développement de la technologie nucléaire. Ils réduisent les formalités administratives, simplifient les processus d’autorisation et redéfinissent le rôle de la principale agence de régulation, la Commission de réglementation nucléaire (NRC). Le Président des Etats-Unis avait alors annoncé la mise en construction d’ici 2030 de dix nouveaux réacteurs.

Partenariat majeur avec Westinghouse

Deuxième étape du processus, l’administration Trump a annoncé le 28 octobre un partenariat majeur avec le géant américain du nucléaire, le groupe Westinghouse. Elle entend lui apporter au moins 80 milliards de dollars afin de lancer la construction des nouveaux réacteurs nucléaires promis.

« Ce partenariat incarne la vision du président Trump, à savoir retrouver notre souveraineté énergétique, créer des emplois bien rémunérés et placer les Etats-Unis aux avant-postes de la renaissance du nucléaire », a déclaré le ministre du Commerce, Howard Lutnick. « Le Président Trump a promis une renaissance de l’énergie nucléaire, et il tient aujourd’hui sa promesse », a-t-il ajouté.

L’AP 1000 déjà construit à plant Vogtle

L’Etat fédéral américain joue simplement un rôle de financier et d’accélérateur. Une fois construites, les centrales ne lui appartiendront pas mais seront cédées à des groupes énergétiques. Westinghouse devrait construire deux modèles, des AP1000 et éventuellement des AP300, des réacteurs à eau pressurisée de puissances respectives d’un peu plus d’un gigawatt (GW) et de 300 mégawatts (MW). L’AP 300 est un petit réacteur de nouvelle génération, dit SMR (small modular reactor).

L’AP1000 a déjà été validé par le régulateur américain, la NRC, et plusieurs exemplaires sont en service dont deux à plant Vogtle. L’AP300 est lui encore en cours d’homologation.

L’accord passé entre le gouvernement américain et Westinghouse inclut un mécanisme de distribution à l’Etat fédéral de 20% des bénéfices dégagés après un certain seuil. Le gouvernement américain aura également la possibilité, sous certaines conditions, de contraindre Westinghouse à s’introduire en Bourse si sa valeur atteint au moins 30 milliards de dollars en 2029.

Les GAFAM investissent dans le nucléaire

La Maison Blanche entend ainsi orchestrer aux Etats-Unis une « renaissance de l’énergie nucléaire ». Il s’agit de répondre aux besoins en augmentation rapide d’électricité aux Etats-Unis, du fait notamment du développement de l’intelligence artificielle et des data centers qui vont avec et se multiplient. Les grands groupes américains de technologie trouvent de nombreuses vertus à l’énergie nucléaire, notamment sa capacité à produire de grandes quantités d’électricité décarbonée sans l’intermittence des renouvelables éolien et solaire.

Ainsi, presque tous les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ont annoncé au cours des derniers mois des investissements conséquents dans le nucléaire. Amazon a signé plusieurs accords aux États-Unis avec des entreprises développant des SMR. Google a également investi dans des projets de développement de SMR et dans la technologie de fusion nucléaire. Mais surtout Google a annoncé le 27 octobre un accord avec l’énergéticien américain NextEra Energy. Il débouchera sur la remise en service, début 2029, de la centrale nucléaire Duane Arnold, dans l’Iowa.

Cela intervient après l’annonce l’an dernier d’un partenariat entre Microsoft et l’opérateur de la centrale nucléaire de Three Mile Island. Le groupe Constellation qui a racheté le réacteur numéro 1 de cette centrale s’est engagé à le relancer en 2028 et fournir alors exclusivement l’électricité produite à Microsoft.

Ne pas laisser la Chine dominer le nucléaire civil

Et puis il y a des enjeux géopolitiques. Les Etats-Unis qui sont à la traîne de la Chine dans de nombreuses technologies de la transition énergétique, notamment les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes… ne veulent pas se laisser distancer dans le domaine nucléaire civil. Ils sont encore et de loin le premier pays producteur d’électricité nucléaire au monde et entendent le rester. Ils comptent 94 réacteurs opérationnels devant la Chine (57), la France (57), la Russie (36) et la Corée du sud (26). Mais compte tenu du rythme de construction de nouveaux réacteurs et de nouvelles centrales en Chine, ce pays devrait devenir le numéro un mondial avec pas moins de 25 réacteurs en construction et 41 planifiés. Sans compter les avancées chinoises dans les développements technologiques tels que les réacteurs au thorium.

A moins que les Etats-Unis se remettent à construire des réacteurs, ce qu’ils n’ont plus fait depuis 2009. Et les deux derniers réacteurs fabriqués et entrés en service en 2023 et 2024 à Plant Vogtle en Georgie, ont été un cauchemar financier et technique, un peu à l’image du chantier en France de l’EPR de Flamanville. Les délais et les budgets ont explosé. Le défi maintenant pour le nucléaire américain comme son homologue français, affaiblis tous deux par des décennies d’abandon, est d’être capable de construire des réacteurs à des coûts et dans des délais acceptables.

Traversée du désert

Car l’énergie nucléaire a connu une longue traversée du désert outre-Atlantique. Et elle remonte loin, à l’incident grave de la centrale de Three Mile Island en mars 1979, qui a effrayé l’opinion publique. Il a failli provoquer, la rupture de la cuve d’un réacteur et la contamination radioactive de toute une région. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 et l’accident de Fukushima en 2011 n’ont ensuite évidemment rien arrangé.

Après Three Mile Island un seul permis de construire des réacteurs a été délivré aux Etats-Unis, trente ans plus tard, celui des unités 3 et 4 de plant Vogtle. Mais au cours des derniers mois, les choses ont totalement changé. Des centrales mises à l’arrêt sont relancées. Et l’administration Trump a des projets grandioses…

Elle souhaite quadrupler la capacité de production nationale du secteur nucléaire, avec pour objectif d’atteindre 400 gigawatts d’ici 2050. Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, des institutions scientifiques telles que l’Idaho National Laboratory, un institut de recherche de premier plan dans le domaine de l’énergie nucléaire, encouragent les innovations telles que des types de combustible plus efficaces.

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