C’est une conséquence pour le moins inattendue de la guerre de douze jours entre Israël et la République islamique d’Iran. Et elle pourrait être favorable à la Russie qui a pourtant vu l’un de ses plus proches alliés et fournisseur d’équipement militaire connaitre une défaite sans précédent depuis la prise du pouvoir par les mollahs en 1979.
La Chine, préoccupée par la possibilité de voir son approvisionnement pétrolier et gazier qui passe en grande partie par le détroit d’Ormuz interrompu par une reprise des hostilités, envisage de réétudier la construction d’un gazoduc géant baptisé Power of Siberia-2 avec la Russie qui viendrait s’ajouter à un gazoduc plus modeste, Power of Siberia-1, inauguré en 2019. Jusque-là, le projet de gazoduc n’avançait pas vraiment au grand regret de Moscou qui espérait ainsi compenser, au moins en partie, la perte de l’essentiel de ses exportations de gaz vers l’Europe depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Moscou ne voulait pas satisfaire les exigences jugées exorbitantes de Pékin
La Russie ne peut pas augmenter ses livraisons de gaz à Pékin en raison de la capacité limitée de Power of Siberia-1 et d’un potentiel tout aussi limité de production de gaz naturel liquéfié (GNL). Seul un nouveau gazoduc plus important peut permettre d’augmenter considérablement les livraisons à la Chine.
Mais les deux puissances avaient eu beau multiplier les déclarations sur leur amitié éternelle, profitant d’un rapport de force qui lui était très favorable, la Chine exigeait des prix et des quantités de livraisons de gaz naturel que Moscou jugeait déraisonnables.
La donne vient soudain de changer
Power of Siberia-2 doit faire 2.594 kilomètres de long et relier la Russie à la Chine en passant par la Mongolie. Un projet mené par Gazprom et la China National Petroleum Corporation qui semblait enlisé d’autant plus que la Mongolie, impliquée dans la construction et les négociations sur les coûts et les redevances de transport, avait aussi des exigences jugées exorbitantes par la Russie.
Mais la donne vient de changer. La Chine importe environ 30% de son gaz, sous forme de GNL, du Qatar et des Emirats arabes unis. Et les méthaniers qui le transporte transitent par le détroit d’Ormuz que l’Iran a menacé à plusieurs reprises de bloquer. Parallèlement, les petites raffineries chinoises, surnommées les « théières », sont devenues au cours des dernières années dépendantes du pétrole brut iranien bon marché. Plus de 90% des exportations de pétrole iranien sont désormais destinées à la Chine.
Au moins cinq années de construction
« L’escalade des tensions au Proche-Orient souligne les graves conséquences d’un éventuel blocage du détroit d’Ormuz », affirme Wei Xiong, responsable de la recherche sur le gaz en Chine chez Rystad. Si ce passage stratégique venait à être fermé, « l’approvisionnement en GNL de la Chine connaîtrait une transformation radicale, passant d’une situation de surcapacité à celle de pénurie ».
Les autorités chinoises veulent ainsi augmenter leurs achats de pétrole et plus encore de gaz auprès de la Russie, qui fournit aujourd’hui environ un cinquième des besoins en hydrocarbures de la Chine. Et tout cela après que Pékin ait justifié ses réticences sur la construction de Power of Sibérie-2 à la nécessité de limiter à 20% le pétrole et le gaz importés d’un seul pays.
Maintenant, même si les deux pays parviennent à un accord et surmontent les différends sur les quantités et les prix, la construction du gazoduc pourrait prendre au moins cinq ans. Et la Chine réclame une participation dans le projet dont la Russie ne veut pas entendre parler…