<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> GNL, l’Europe dans la nasse

7 juillet 2025

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GNL, l’Europe dans la nasse

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En matière de souveraineté et de sécurité d’approvisionnement énergétique, il y a en Europe les discours et la réalité. Ainsi, la stratégie de l’Union européenne (UE), si on peut appeler cela stratégie, consiste pour obtenir les quantités nécessaires de gaz au fonctionnement de son industrie et au chauffage de ses bâtiments, à des prix qui ne soient pas trop élevés, à miser sur la chance… A savoir que les hivers ne soient pas trop rigoureux, que les besoins de l’Asie en GNL (Gaz naturel liquéfié) ne soient pas trop élevés et que les évènements géopolitiques ne viennent pas perturber les marchés. Cela fait beaucoup de conditions que l’UE ne maîtrise pas du tout. Il serait peut-être temps, enfin, de reconnaître la réalité de l'offre et de la demande d'énergie dans le monde.

Sans sécurité d’approvisionnement énergétique, il n’y a pas de souveraineté. Cela est vrai pour le pétrole, le gaz et tout autant pour les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries, les véhicules électriques et les minéraux critiques. Une réalité que les pays de l’Union Européenne (UE) ont totalement ignoré pendant des années avant subitement de mesurer leur dépendance au gaz russe puis maintenant américain et qatari et aux équipements de la transition énergétique sortis massivement des usines chinoises.

Les grands discours de réindustrialisation, de souveraineté économique et même militaire n’ont aucune chance de se traduire dans les faits si la question de l’approvisionnement énergétique continue à être abordée avec autant de légèreté et d’inconséquence. L’approvisionnement en gaz est un cas d’école. La stratégie de l’Europe, si on peut appeler cela stratégie, consiste pour obtenir les quantités nécessaires au fonctionnement de son industrie et au chauffage de ses bâtiments, à des prix qui ne soient pas trop élevés, à miser sur la chance… A savoir que les hivers ne soient pas trop rigoureux, que les besoins de l’Asie de GNL (Gaz naturel liquéfié) ne soient pas trop élevés et que les évènements géopolitiques ne viennent pas perturber les marchés. Cela fait beaucoup de conditions que l’UE ne maîtrise pas du tout.

Le Qatar exige des contrats de près de trente ans

La guerre de douze jours entre Israël et la République islamique d’Iran est venue illustrer la fragilité de cette stratégie avec la crainte, alors très exagérée, de blocage du détroit d’Ormuz. Elle s’est tout de même traduite par une envolée de 20% des prix mondiaux du GNL (Gaz naturel liquéfié). C’est par ce détroit que transitent les exportations de GNL du Qatar qui est l’un des principaux exportateurs mondiaux. Il a été longtemps le numéro un mondial avant de se faire détrôner par les Etats-Unis mais devrait le redevenir avec les investissements massifs en cours qui lui permettront de quasiment doubler ses capacités de production. Le Qatar n’est pas aujourd’hui un fournisseur très important de l’Union Européenne… Mais l’Europe ne pourra pas se passer de son gaz si elle entend cesser tout achat d’énergie à la Russie d’ici la fin de l’année 2027 comme elle l’a annoncé en mai dernier.

Les derniers chiffres d’importation de la Commission européenne, pour 2024, montrent que la Norvège était le principal fournisseur de gaz naturel par gazoduc de l’UE, et les États-Unis son principal fournisseur de GNL. Parmi les autres grands fournisseurs de GNL, on peut citer la Russie… avec 17,5%, l’Algérie, avec 10,7% et le Qatar avec 10,4%. Pour le moment, le problème avec le Qatar est que l’émirat n’accepte de conclure que des contrats à long terme (près d’une trentaine d’années) qui garantissent la rentabilité de ses investissements ce que refusent les planificateurs de l’Union européenne. Car ils sont en contradiction totale avec les objectifs de décarbonation affichés par l’Union Européenne…

Exploiter le gaz de schiste du sous-sol français et allemand…

Il resterait une autre solution pour les pays européens encore plus anathème pour les institutions européennes et la plupart des gouvernements des pays de l’UE, exploiter le gaz de schiste qui se trouve, secret de polichinelle, en abondance dans leurs sous-sols, notamment en France et en Allemagne. Mais ils préfèrent l’importer afin de ne pas s’attirer les foudres des écologistes. L’exemple même de l’hypocrisie. Car les conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre sont les mêmes que les gisements soient exploités aux Etats-Unis, au Qatar ou en Europe. Et même exploiter du gaz sur place plutôt que de le liquéfier et le transporter sur des milliers de kilomètres et ensuite le regazéifier est une solution bien plus satisfaisante pour l’environnement. Des calculs montrent que pour la consommation française, le gaz hollandais conventionnel transporté par gazoduc présente un bilan carbone 13 fois moins élevé que du gaz liquéfié provenant du Qatar. Sans compter évidemment, les avantages en matière de souveraineté et de compétitivité économique.

En tout cas, les stocks de gaz européens sont tombés à la fin de l’hiver à leurs niveaux le plus bas depuis la crise énergétique de 2022. Cela est notamment la conséquence d’un hiver qui sans être extrêmement rigoureux a été moins clément que les années précédentes. Cela signifie que la facture de gaz naturel de l’Europe sera plus élevée cette année que l’année dernière. Il est difficile de savoir aujourd’hui de combien, tout dépendra de l’évolution des cours du GNL. Depuis trois mois les réserves se reconstituent et sont aujourd’hui de l’ordre de 60% en moyenne en Europe, mais elles étaient remplies à 75% l’an dernier à la même période. Elles étaient tombées à 33% fin mars très nettement en-dessous des 55% pour les mêmes mois de 2024 et 2023. Les réserves en question doivent être impérativement remplies à au moins 90% d’ici novembre ce qui signifie que d’ici là les pays européens n’ont d’autre choix que d’acheter toutes les cargaisons de GNL disponibles quels que soient les prix. Une politique énergétique qui est suicidaire…

Compter uniquement sur la chance, faute de regarder la réalité en face

Pour que la facture finale ne soit pas trop élevée et l’approvisionnement assuré, il faudra compter sur la chance… Que la demande de GNL en provenance d’Asie reste faible, comme elle l’a été au cours du premier semestre de l’année. Que la guerre entre Israël et l’Iran ne reprenne pas. Et que l’hiver 2025-26 soit clément. Pour l’instant, la chance est là… Sur les six premiers mois de l’année, les importations de GNL de l’Inde ont baissé de 8,7% par rapport à la même période de 2024 et surtout de 22% par la Chine ! Evidemment pour la Chine la guerre commerciale avec les Etats-Unis a eu un impact, mais les prix élevés du GNL ont également joué un rôle comme le montre la baisse des importations par l’Inde.

Car même avec de la chance, le coût de l’énergie pour l’Europe restera nettement plus élevé que pour ses deux principaux rivaux commerciaux, les Etats-Unis et la Chine. La raison en est aussi simple que désagréable pour les décideurs politiques européens : l’approvisionnement local. Les États-Unis et la Chine font bon usage de leurs ressources locales en gaz naturel et en charbon.

Le refus catégorique de développer ses propres ressources en hydrocarbures est aussi pénalisant que celui de prendre des engagements à long terme en matière d’approvisionnement en GNL. C’est un refus de reconnaître la réalité de l’offre et de la demande d’énergie dans le monde. Cela a une conséquence : appauvrir les populations européennes.

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