<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Hydrogène vert, la Cour des comptes n’y croit pas

6 juin 2025

Temps de lecture : 3 minutes
Photo :
Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

Hydrogène vert, la Cour des comptes n’y croit pas

par

Dans un rapport publié le 5 juin, la Cour des comptes souligne qu’en dépit des remaniements de la stratégie nationale, les nouveaux objectifs de production d'hydrogène vert ou bas carbone sont « hors de portée ». L’hydrogène vert se trouve face à un problème insoluble de poule et d’œuf. Pour que les coûts baissent et deviennent acceptables pour les industriels, il faut que de nombreux projets soient déployés. Mais tant qu’ils ne sont pas déployés, les coûts sont trop élevés pour convaincre des acheteurs... ce qui ne permet pas de lancer les projets.

L’hydrogène vert ou bas carbone est à la fois indispensable et presque impossible aujourd’hui à produire en grande quantité dans des conditions financièrement réalistes. L’hydrogène vert reste le seul substitut décarboné aux combustibles fossiles dans certaines activités essentielles dans l’industrie lourde (sidérurgie, chimie, cimenteries, engrais…) et les transports sur longue distance, notamment aérien et maritime. Mais cela ne suffit pas à créer un écosystème, une filière industrielle compétitive et des besoins même en apportant des milliards d’euros d’aides… que l’Etat français ne peut plus financer

L’hydrogène vert se trouve face à un problème insoluble de poule et d’œuf. Il n’y a pas de demande sans la création d’un vrai marché et pas de vrai marché sans demande. Pour que les coûts baissent et deviennent acceptables pour les industriels, il faut que de nombreux projets soient déployés. Mais tant qu’ils ne sont pas déployés, les coûts sont trop élevés pour convaincre des acheteurs… ce qui ne permet pas de lancer les projets. En outre, les producteurs veulent des contrats de vente à long terme pour rentabiliser leurs investissements et les acheteurs industriels veulent des contrats plus courts en prévision de la baisse du coût de l’hydrogène à mesure que la production va augmenter et la technologie s’améliorer.

Des ambitions « irréalistes »

Voilà pourquoi la Cour des comptes juge « irréalistes » les ambitions de l’Etat en matière de production et de consommation d’hydrogène décarboné. Les trajectoires de consommation d’hydrogène de la stratégie nationale bas carbone projettent une demande de 1 million de tonnes par an en 2035 et de 4,4 millions de tonnes par an d’ici à 2050, dont 2 millions de tonnes pour l’industrie et 1,5 millions de tonnes pour les électro-carburants. La Cour des comptes n’y croit pas une seconde et observe malicieusement que même l’Agence internationale de l’énergie vient de revoir ces prévisions de consommation d’hydrogène à la baisse de 30%.

Elle conseille à l’Etat de mieux cibler son soutien à la filière, estimant que des aides bien trop importantes ont été apportées au transport routier tandis qu’elles devraient se concentrer en priorité asur l’industrie lourde et les infrastructures de stockage d’électricité. Il faudrait pouvoir transformer l’électricité excédentaire sur le réseau par électrolyse en hydrogène. Ensuite, cette électricité pourrait être réinjectée dans le réseau en la produisant via des piles à combustible avec l’hydrogène stocké. Certes, l’opération est d’une efficacité énergétique faible (30-40%), mais c’est tout de même mieux que de gaspiller en permanence de la production d’électricité.

Des prévisions qui n’ont aucune chance de se réaliser

Dans son rapport publié le 5 juin, la Cour souligne que malgré des adaptations successives de la stratégie nationale hydrogène, dont la plus récente version date pourtant d’avril, les objectifs de production d’hydrogène vert « paraissent encore hors de portée ». La Cour estime que « seuls 0,5 gigawatts sont pleinement sécurisés d’ici 2030 », tandis que l’Etat table sur 4,5 GW de capacité de production en 2030 et même 8 GW en 2035.

Ces prévisions qui n’ont aucune chance de se réaliser ne sont pas vraiment propres à la France. « Au niveau européen les ambitions en termes de capacités de production d’hydrogène semblent également peu réalistes », note la Cour, qui estime qu’au mieux les capacités en France « pourraient être portées à 3,1 GW d’ici 2030 ».

Le mur du prix

Les magistrats insistent sur le problème de fond de l’hydrogène vert : son prix bien trop élevé. Du coup, atteindre les objectifs de consommation demanderait « un soutien budgétaire incompatible avec la situation des finances publiques ». Selon les calculs de la Cour, le surcoût de l’hydrogène par électrolyse par rapport à celui produit classiquement, par vaporéformage de gaz naturel, s’établirait entre 1,5 et 4,1 milliards d’euros par an entre 2031 et 2035, et entre 5,5 et 11 milliards d’euros annuels entre 2041 et 2045. Un surcoût que les industriels seront incapables de supporter seuls et que l’Etat ne peut pas financer.

Les magistrats s’inquiètent aussi de « la place disproportionnée » du soutien public accordé à la mobilité routière. Près de la moitié (46%) des quelque 900 millions d’euros de dépenses publiques effectivement engagées pour la filière hydrogène « sont destinées à ce secteur ».

Une trajectoire de dépense publique supérieure aux 9 milliards prévus

Les magistrats visent plus particulièrement « certaines usines subventionnées (…) qui construisent des piles à combustible dont l’usage prévu est majoritairement routier » et aussi des appels à projets « écosystèmes territoriaux » lancés par l’Ademe » (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

Au total, d’ici 2030, si le manque de ciblage perdurait, le coût du soutien budgétaire à l’hydrogène pourrait excéder les 9 milliards d’euros annoncés pour la filière en 2023, s’alarme la Cour. Mais elle estime en revanche nécessaire un soutien public à des investissements dans des réseaux de transport et de stockage d’hydrogène pour pallier les fluctuations de la production d’électricité. « La question du besoin d’infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène mériterait d’être étudiée », écrivent les magistrats, pour permettre « un dimensionnement optimal » du réseau électrique.

À propos de l’auteur

La rédaction

La rédaction

Newsletter

Voir aussi

Share This
.et_pb_column_1_4 { display:none !important; } .wp-image-13628 { display:none !important; }