<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La raison officielle du blackout espagnol: un réseau électrique inadapté et mal géré

30 juin 2025

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La raison officielle du blackout espagnol: un réseau électrique inadapté et mal géré

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Cela ne sert à rien de construire des capacités de production électriques renouvelables et intermittentes toujours plus grandes sans adapter les réseaux à leurs faiblesses. A savoir, l’intermittence liée à la météorologie (ensoleillement et vent), une production éparse et émiettée sur les territoires et un manque d’inertie qui accentue les variations de tension. C’est ce que montre le rapport rendu enfin public il y a quelques jours sur le blackout de la péninsule ibérique du 28 avril. Il exonère un peu rapidement, et pour des raisons politiques évidentes, les renouvelables intermittents à la production erratique en soulignant avant tout l’inadaptation du réseau à leurs caractéristiques de production. Ce qui est un fait incontestable.

La part massive des renouvelables intermittents dans la production électrique change fondamentalement la stabilité et la sécurité des réseaux. Cela n’a rien de nouveau puisque depuis des années de multiples institutions et organismes alertent sur la nécessité de moderniser et d’adapter les réseaux à une production électrique de plus en plus éparse et émiettée sur les territoires, qui est soumise aux variations météorologiques (vent et ensoleillement) et qui n’a pas l’inertie des grandes centrales thermiques et hydrauliques. On a pu mesurer cela le 28 avril dernier quand l’ensemble de la péninsule ibérique a basculé en quelque secondes dans le noir.  L’organisme regroupant les gestionnaires européens de réseaux de transport d’électricité, ENTSOE, avait averti le 18 avril des risques de surproduction solaire à l’approche des beaux jours…

On commence enfin à avoir des détails et des informations assez précises sur l’enchaînement des faits et les raisons de ce blackout même s’il ne faut pas être dupe des pressions politiques qui pèsent sur la communication dans ce domaine. Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez est un adepte inconditionnel des renouvelables intermittents et au passage un adversaire historique du nucléaire. Le socialisme manichéen à l’ancienne qui a sévi en France et s’est traduit par le sabotage délibéré pendant près de trois décennies de la filière nucléaire, de Lionel Jospin à François Hollande en passant même un temps par Emmanuel Macron.

Il n’y avait aucune raison pour que le réseau s’effondre

Pour en revenir à l’Espagne et au 28 avril, le gouvernement a rendu public il y a quelques jours le rapport officiel sur l’origine de la panne. « La coupure du 28 avril a eu une origine multifactorielle », a expliqué la ministre de la Transition écologique Sara Aagesen. Ce qui est le cas pour toutes les coupures massives de courant… sauf en cas de catastrophe naturelle et d’actes de guerre. Et pourtant à priori rien ne devait se passer de fâcheux lors d’un lundi ensoleillé et banal. La demande d’électricité était faible, à peine 25 GW, bien en deçà des pics hivernaux, et les prix de gros de l’électricité bas autour de 18,5 €/MWh tandis que la production solaire augmentait rapidement dans toute la péninsule ibérique. Ce qui a été très mal géré par le réseau…

Car en coulisses, plusieurs choses allaient déjà de travers. Un grand nombre de lignes de transmission à haute tension dans le centre de l’Espagne étaient hors service pour des raisons de maintenance. L’un des deux interconnecteurs CCHT (Courant continu à haute tension) vers la France était en panne. Et tandis que l’Espagne exportait de l’électricité à une capacité quasi maximale du fait d’une production solaire abondante, très peu de générateurs thermiques conventionnels étaient en ligne – seulement onze unités nucléaires, au charbon et au gaz dans l’ensemble du pays. Ces générateurs synchrones ont la capacité d’atténuer les variations de tension, ce qui n’est pas le cas des installations renouvelables. Ce jour-là, les centrales classiques étaient en majeure partie à l’arrêt.

Peu après midi, de petites oscillations ont commencé à apparaître sur la tension du réseau. À 12 h 32, une centrale solaire de Castilla-La Mancha s’est mise hors service à la suite d’une soudaine surtension. Cela a entraîné une réaction en chaîne qui n’aurait jamais dû se produire. Les tensions ont de nouveau grimpé et d’autres groupes solaires se sont déconnectés. En l’espace de quelques minutes, les unités renouvelables et conventionnelles ont commencé à se déconnecter en cascade. Ce n’est qu’ensuite que la fréquence a commencé enfin à baisser, mais à ce moment-là, la majeure partie du système s’était déjà effondrée. Le rapport décrit l’événement non pas comme un effondrement typique dû à une sous-fréquence, mais comme une cascade alimentée par la surtension.

Un système électrique incapable de faire face aux surtensions en cascade

Pour les enquêteurs, les capacités capables de stabiliser le réseau étaient amplement suffisantes. Mais elles n’étaient tout simplement pas en ligne parce que la priorité était donnée aux renouvelables, ce que les enquêteurs se gardent bien de dire… L’éolien et le solaire ne sont pas techniquement en cause, leurs avantages et leurs faiblesses sont connus, notamment l’absence d’inertie et la nécessité de transformer du courant continu en courant alternatif. Le système électrique n’était pas configuré pour faire face à des variations de tensions trop importantes. Pas assez de contrôle de la tension en temps réel, manque de capacités de transmission et même des erreurs dans la mise en place des règles de protection du réseau.

La panne a mis en évidence les faiblesses du réseau. Les stations collectrices partagées, où se connectent plusieurs grands parcs photovoltaïques ou éoliens, sont devenues des points de fragilité systémique. Leur sécurité doit être renforcée et la défaillance de l’une d’entre elles ne doit pas se propager aux autres. Il faut ainsi donner la priorité aux équipements à réaction rapide tels que les réacteurs et les dispositifs FACTS (Systèmes de transmission flexible en courant alternatif) plutôt que de se contenter d’augmenter les capacités renouvelables qui ne règlent pas les problèmes.

Signal d’alarme

Avec seulement 3% de capacité d’interconnexion avec les marchés voisins, le système ibérique manque cruellement de tampons externes. Le rapport recommande d’accélérer la construction de liaisons haute tension prévues de longue date avec la France et le Portugal.

Le blackout d’avril en Espagne est un signal d’alarme. Il est impératif dans les pays qui ont fait le choix des renouvelables intermittents de construire des systèmes électriques adaptés à leur fonctionnement erratique. Il faut être capable de gérer la variabilité, de répondre aux chocs et de coordonner des milliers de sites de production variés en temps réel.

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