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Schéma du réacteur ITER Juin 2020 ITER

ITER et la fusion nucléaire: une utopie qui devient peu à peu réalité


Le réacteur nucléaire expérimental à fusion ITER, le plus grand projet projet scientifique au monde mené conjointement par 35 pays dans le sud de la France, est entré dans une phase décisive depuis quelques jours. Celle de l’assemblage du réacteur qui prendra 5 ans. Une étape saluée par Emmanuel Macron.

Cela n’a pas eu un très grand écho, mais Emmanuel Macron a salué publiquement le 28 juillet les espoirs mis dans la fusion nucléaire et plus particulièrement dans le projet ITER pour International Thermonuclear Experimental Reactor (Réacteur thermonucléaire expérimental). Situé non loin de Cadarache en France, il s’agit tout simplement aujourd’hui du plus grand programme scientifique au monde et du plus important ouvrage de génie civil en cours de construction en Europe.

Dans une vidéo diffusée à l’occasion d’une cérémonie marquant le début de l’assemblage du réacteur, qui prendra cinq ans, le président de la République a pris des accents lyriques. Et comment ne pas l’être. Le projet est né en novembre 1985, à Genève. Mikhaïl Gorbatchev, le président de l’URSS, avait alors proposé au président américain Ronald Reagan de travailler ensemble à la conception d’un réacteur expérimental de fusion nucléaire «pour le bénéfice de l’humanité». Ce réacteur prend forme sous nos yeux aujourd’hui trente cinq ans plus tard dans le sud de la France sur un site de 180 hectares.

«ITER est une promesse de paix et de progrès… Avec la fusion, le nucléaire peut être une promesse d’avenir» en offrant «une énergie non polluante, décarbonée, sûre et pratiquement sans déchets» a déclaré Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat sud-coréen, Moon Jae-In, a envoyé également un message vidéo encore plus enthousiaste pour saluer «le plus grand projet scientifique de l’histoire de l’humanité» et ce «rêve partagé de créer une énergie propre et sûre d’ici à 2050». Vladimir Poutine, le président de la Russie, a lui aussi salué dans un message «tous ceux qui travaillent sur le projet ITER depuis de nombreuses années… Il a également remercié «le Président français Emmanuel Macron en tant que chef du pays hôte du projet, qui fournit le site au réacteur et apporte une aide précieuse dans sa construction».

L’assemblage du réacteur a commencé, il prendra cinq ans

ITER réunit pas moins de 35 pays et ces composants sont fabriqués en Europe, en Chine, en Inde, au Japon, en Corée du sud et aux Etats-Unis. Son budget initial de 5 milliards d’euros a été multiplié par quatre depuis le début de sa construction en 2007. Son coût aujourd’hui est d’un million de dollars par jour. Une somme qui semble presque dérisoire au regard de la raison d’être d’ITER qui est de faire de la fusion nucléaire une nouvelle et prodigieuse source d’énergie. Si l’humanité parvient à maitriser cette technologie, elle n’aura plus aucun problème pour disposer d’une énergie surabondante, bon marché, propre et renouvelable.

Le tout premier élément qui compose le Tokamak, ou gigantesque cage magnétique de 23.000 tonnes qui contiendra la réaction de fusion, a été mis en place dans l’enceinte les 26 et 27 mai dernier. Il s’agit de la base du cryostat, l’élément le plus volumineux et le plus lourd du réacteur. Elle pèse 1.250 tonnes. Elle accueillera «la plus grande enceinte à vide en acier inoxydable jamais construite» qui fera 16.000 m³. Son rôle sera d’isoler le système magnétique du Tokamak en enveloppant les aimants supraconducteurs dans un environnement cryogénique, d’ou son nom. Cette étape essentielle ayant été franchie, le projet passe maintenant à la phase d’assemblage du réacteur et de son million d’éléments (voir le schéma ci-dessus) dont certains ont la taille d’un immeuble de quatre étages. Certaines pièces de plusieurs centaines de tonnes devront être positionnées avec une précision de 0,25 millimètre… Ce gigantesque puzzle en trois dimensions devrait être terminé dans cinq ans et le réacteur doit commencer à fonctionner en décembre 2025.

Le premier plasma, fabriqué à 150 millions de degrés celsius, est prévu pour décembre 2025

La fusion nucléaire est le graal des scientifiques et chercheurs. C’est un rêve et une utopie, pourtant ancrés aujourd’hui dans la réalité. Il s’agit de la réaction atomique qui se produit au cœur des étoiles. En théorie, un réacteur à fusion serait capable de produire une énergie presque sans limite, sans la moindre émission de gaz à effet de serre et quasiment sans déchets. Toujours en théorie, deux grands réacteurs à fusion pourraient fournir en abondance toute l’énergie nécessaire à l’ensemble de la planète.

Le principe de la fusion, comme son nom l’indique, consiste a fabriquer de l’énergie par la fusion de deux noyaux atomiques légers tandis que les réacteurs nucléaires actuels utilisent, eux, la fission, c’est-à-dire cassent un gros noyau atomique en plusieurs morceaux, ce qui génère également de l’énergie.
 Mais la fusion en produit beaucoup plus. Le problème, de taille, est qu’il est impossible sur terre de récréer les conditions gravitationnelles et de température existantes au cœur d’une étoile. Il faut donc trouver le moyen de contenir et de confiner la réaction de fusion.

La technologie que l’on tente de développer depuis des décennies est celle de la cage magnétique, le fameux Tokamak. Ce réacteur très particulier a été conçu dans les années 1950 par les physiciens russes Igor Tamm et Andreï Sakharov. Il doit maintenir la matière devenue plasma à 150 millions de degrés celsius sous contrôle à l’aide d’aimants surpuissants. La production expérimentale du premier plasma est prévue en décembre 2025, et suivant les résultats un démonstrateur industriel pourrait voir le jour d’ici 2035. ITER devrait produire 500 MW d’électricité et en consommer 50 MW.

La rédaction