Transitions & Energies
edf logo

Pour EDF, l’hydrogène est maintenant un axe de développement


Comment l’énergéticien public peut-il augmenter sa rentabilité, ses marges et ses marchés? Ce qui est devenu une nécessité économique et financière. En allant plus loin dans la transformation, l’utilisation et la valorisation de l’électricité qu’il produit… via l’hydrogène. L’hydrogène présente deux particularités très intéressantes pour EDF. D’une part, quand il est vert, il se fabrique par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, renouvelable ou nucléaire, et se vend cher. Ensuite il ne s’agit pas d’une source, mais d’un vecteur d’énergie qu’il faut produire et distribuer, comme l’électricité…

Après avoir longtemps considéré l’hydrogène comme une lubie de vieux ingénieurs ou un gadget pour écologistes, EDF vient de faire un virage à 180 degrés. Un peu comme le gouvernement d’Emmanuel Macron qui soudain il y a deux ans s’est jeté sur l’hydrogène avec le zèle du nouveau converti. L’énergéticien public voit en tout cas aujourd’hui dans l’hydrogène une formidable opportunité pour valoriser l’électricité qu’il produit. Ce qui pourrait lui permettre d’augmenter sa rentabilité, une nécessité pour faire face à la fois à l’entretien du parc nucléaire existant, à la construction de nouveaux EPR et à la poursuite du développement de parcs renouvelables, éoliens et solaires.

L’hydrogène vert ou décarboné, le seul qui vaille pour la transition énergétique (avec l’hydrogène bleu associé à la capture du CO2), a pour particularité d’être fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, renouvelable ou nucléaire. De plus, l’hydrogène a pour particularité d’être, comme l’électricité, non pas une source d’énergie, mais un vecteur. Il faut le fabriquer et ensuite le distribuer. Une logique qu’EDF maitrise parfaitement

Devenir «un des leaders» de la production d’hydrogène bas carbone en Europe

EDF a ainsi annoncé la semaine dernière son «plan hydrogène» et ambitionne de devenir «un des leaders» de la production d’hydrogène bas carbone en Europe d’ici 2030, moyennant un investissement de deux à trois milliards d’euros «cofinancés» par l’énergéticien. En fait, EDF n’a pas les moyens de ses ambitions. Ces projets «seront développés et cofinancés dans le cadre de partenariats industriels et en bénéficiant des mécanismes de soutien nationaux et européens».

EDF compte développer spécifiquement des équipements de production d’électricité bas carbone -nucléaire et renouvelable- pour produire de l’hydrogène vert par électrolyse de l’eau au travers de sa filiale dédiée Hynamics. «Trois gigawatts (GW) permettront chaque année de produire 450000 tonnes d’hydrogène et d’économiser 3 millions de tonnes de carbone. 3 Mt de carbone, ça représente la moitié du trafic maritime franco-international», a expliqué Alexandre Perra, directeur exécutif de l’innovation, responsabilité d’entreprise et stratégie chez EDF. «Nous visons à produire un hydrogène 100% bas carbone, qui sera le vecteur pour atteindre la neutralité carbone pour les usages les plus difficiles à décarboner», industries ou mobilités lourdes, a-t-il ajouté. Aujourd’hui, l’essentiel des 80 millions de tonnes d’hydrogène produites dans le monde le sont à partir de combustibles fossiles, essentiellement de gaz naturel et un peu de charbon.

Alimenter bus et trains à hydrogène

«La production d’hydrogène 100% bas carbone, ce n’est pas de la science-fiction, nous avons déjà des projets en opération», a affirmé Christelle Rouillé, directrice générale d’Hynamics. Elle a notamment rappelé la mise en production à Auxerre d’hydrogène pour les cinq premiers bus de l’agglomération fonctionnant avec cette énergie. «Nous visons à faire croître cette première installation, notamment par l’arrivée de trains hydrogène», a-t-elle ajouté. Des rames de TER fabriquées par Alstom, qui est pionnier dans ce domaine, fonctionnant à l’hydrogène devraient entrer en service en France à la fin de l’année 2023 ou au début de l’année 2024.

Mais il n’y a pas que les transports, il y aussi des partenariats qui se mettent en place avec l’industrie lourde. EDF a passé un accord avec le cimentier Vicat dans l’Isère afin de produire de l’e-méthanol pour le monde maritime, à partir du CO2 émis par les fumées de la cimenterie et d’hydrogène produit à côté. En tout, selon M. Perra, EDF «a 1 GW de projets qui sont dans les tuyaux» répartis dans une soixantaine de projets dans le monde.

Des difficultés financières liées à des décisions politiques du gouvernement

Le groupe s’attend à une baisse considérable de ses performances financières cette année. Cela est lié notamment à la décision du gouvernement de le contraindre à vendre une plus grande quantité d’électricité à prix bradé à ses concurrents pour limiter la hausse des factures d’électricité pour les consommateurs. EDF paye pour maintenir le pouvoir d’achat des Français qui est une décision avant tout politique. En tout, si on y ajoute les problèmes grandissants de fermetures de centrales nucléaires pour cause de découvertes successives de problèmes de corrosion et d’entretien, l’excédent brut d’exploitation d’EDF devrait être amputé de plus de 26 milliards d’euros au cours de l’exercice 2022. L’État, principal actionnaire avec 83,9% du capital de l’énergéticien a bien participé à une augmentation de capital, pour «sécuriser sa capacité de financement à court et moyen terme», mais pour une somme limitée qui est loin d’être à la hauteur des enjeux, de 3,1 milliards d’euros au total dont 2,6 milliards pour l’Etat.

La rédaction