Il existe deux sortes de puissances énergétiques : les puissances fossiles et les électriques. Dans l’histoire, les grandes puissances fossiles ont d’abord été charbonnières, le Royaume-Uni, le précurseur, puis l’Allemagne, les Etats-Unis, la Russie et aujourd’hui évidemment la Chine. Les Etats pétroliers et gaziers ont pris le relais au XXème siècle à l’image toujours des Etats-Unis et de la Russie.
Plus récemment, ont émergé des puissances électriques. La France en est un exemple qui a été à la fin du XXème siècle, grâce à son parc nucléaire, le plus grand exportateur d’électricité au monde. Mais la France a renoncé de fait depuis près de trente ans à conserver une réelle avance technologique dans le nucléaire civil. La vraie puissance électrique aujourd’hui est la Chine. D’abord, parce son industrie domine tous les marchés de la production électrique des renouvelables intermittents (solaire, éolien) ou pas (hydraulique) en passant par le nucléaire avec un rythme de construction de 3 à 4 réacteurs par an qui va en faire dans quelques années le numéro un mondial.
L’électrification des transports et de l’industrie
Mais le plus spectaculaire est l’électrification de l’économie chinoise. L’électricité représente aujourd’hui environ 30% de la consommation d’énergie du pays, loin devant les États-Unis et l’Union européenne (22% en moyenne). L’électricité occupe un rôle grandissant pour faire face aux besoins des transports et de l’industrie.
Les investissements massifs dans les véhicules électriques, les trains à grande vitesse et les énergies renouvelables ont fait de la Chine une superpuissance dans le domaine des technologies énergétiques de la transition. Elles représentent désormais 10% du PIB. Cela dit l’appétit insatiable de la Chine pour l’électricité fait que l’expansion du charbon, pour alimenter les centrales, ne se dément pas. La Chine consomme à elle seule 30% de charbon de plus que le reste du monde. Si la part du charbon dans le total de la production électrique de la Chine a bien diminué de 75% à 70% au cours des neuf dernières années, sa production totale a en fait dans le même temps augmenté de 48%… Et cela ne devrait pas s’arrêter. Dans le pays devenu l’usine du monde et en dépit d’investissements massifs dans les renouvelables, le niveau de construction de centrales au charbon est le plus élevé depuis une décennie… La Chine a lancé la construction de 94,5 GW de nouvelles capacités de production d’électricité à partir du charbon. Selon les chiffres du Global Energy Monitor et du Centre for Research on Energy and Clean Air, la Chine représentait à elle seule 93% des mises en chantier de centrales au charbon dans le monde en 2024.
Véhicules électriques et trains à grande vitesse
Pour illustrer la croissance continue de la demande d’électricité, la consommation a encore augmenté de 4,8% en mars et de 4,7% en avril en dépit de températures clémentes. La consommation chinoise d’électricité a atteint 772,1 milliards de kilowattheures (kWh) en avril, selon l’Administration nationale de l’énergie. Elle a augmenté au cours des quatre premiers mois de l’année, de 3,1% par rapport à la même période de l’année précédente.
L’électrification de la Chine est notamment spectaculaire dans les transports. En 2024, les véhicules électriques ont représenté 47,9% des ventes neuves de voitures particulières en Chine. En 2020, ils ne représentaient que 6,3% des ventes totales.
L’expansion du réseau ferroviaire moderne est encore plus spectaculaire. Le pays possède maintenant un réseau ferroviaire à grande vitesse de 45.000 kms, soit cinq fois la taille de celui de l’Union Européenne. Ce chiffre devrait atteindre 60.000 kms d’ici à 2030.
Carte des voies de chemins de fer à grande vitesse en Chine. Les voies rouges dont capables de supporter des vitesses supérieures à 300 kilomètres heure. Les voies jaunes supportent des vitesses comprises entre 200 et 299 kilomètres heure. Les voies en bleu sont renforcées pour recevoir des trains rapides et les voies grises sont conventionnelles.
La sécurité d’approvisionnement énergétique a disparu des préoccupations, surtout en Europe, après la fin de la guerre froide. Mais pas en Chine qui a mesuré le risque de dépendre trop massivement des importations de pétrole et de gaz. La Chine est le plus grand importateur de pétrole brut au monde, dépassant largement l’ensemble de l’Europe. L’électrification des usages et même la poursuite du développement du charbon, dont la production se fait essentiellement dans les mines du pays, sont une réponse à cette situation.