Dans un rapport publié il y a quelques jours, l’ONG Transport et Environnement (T&E) s’en prend aux biocarburants qui seraient même responsables de plus d’émissions de CO2 (environ 16% de plus) que les carburants fossiles qu’ils sont censés remplacer. Pour Bastien Gebel, responsable de la décarbonation de l’industrie automobile de T&E France : « les biocarburants sont une fausse solution climatique. Ils gaspillent des terres, de la nourriture et des millions d’euros de subventions ».
Transport et Environnement s’appuie sur des recherches de Cerulogy, une société britannique de consulting, et des données de la Banque mondiale. Le raisonnement suivi est le suivant. La production des biocarburants provient essentiellement et directement aujourd’hui des cultures. Du coup, les besoins croissants en biocarburants, qui correspondent notamment à des obligations d’incorporation dans de nombreux pays, sont gourmands en terres agricoles. A eux seuls, le maïs et la canne à sucre seraient aujourd’hui à l’origine de la moitié de la production des biocarburants. Or, la production de ces biocarburants dits de première génération s’est beaucoup développée dans des pays comme le Brésil ou l’Indonésie, où la pression agricole est forte et où l’activité conduit à une déforestation intense. Dans ce cas, les émissions de ces biocarburants sur toute leur durée de vie seraient deux à trois fois supérieures à celles des carburants fossiles… C’est le poids de ces pays dans l’économie mondiale des biocarburants, auquel il faut ajouter les fraudes à l’huile de palme dans des pays où elle est interdite, qui explique les conclusions du rapport.
Un développement considérable dans les prochaines années
Bastien Gebel explique que : « les biocarburants sont parfois présentés comme des solutions idéales pour la décarbonation, notamment par ceux qui plaident la « neutralité technologique » pour les voitures neuves vendues après 2035. Mais en réalité, ces cultures sont très problématiques sur le plan environnemental. De plus, elles ne remplissent pas leur objectif de souveraineté car les deux-tiers de la demande en bioéthanol et biodiesel français sont importés. Il est urgent de revenir sur les centaines de millions d’euros d’avantages fiscaux dont bénéficie cette filière. »
Selon le rapport, la surface des terres consacrées à la production représente aujourd’hui 32 millions d’hectares à l’échelle mondiale. Cela correspond à la superficie d’un pays comme l’Italie. Et pourtant les biocarburants ne répondent qu’à 4% de la demande mondiale de carburants. T&E dénonce un « énorme gaspillage de terres ». Et compte tenu de la hausse attendue de la demande en biocarburants d’ici à 2030, qui devrait augmenter de 40%, T&E estime qu’il faudrait augmenter la superficie de terres agricoles dédiées aux biocarburants de 60%, pour atteindre 52 millions d’hectares, l’équivalent de la France.
Car T&E montre comment les biocarburants sont appelés à se développer via de multiples nouvelles utilisations imposées par les législations. « C’est par exemple le cas des navires, bientôt contraints à se fournir en carburants alternatifs par l’Organisation maritime internationale, qui signera courant octobre le tout premier accord international en la matière. De quoi créer un appel d’air sans précédent pour les biocarburants à base de matières agricoles. Ils sont aussi utilisés par la filière des poids-lourds en France, et présentés comme une « solution » alternative à l’électrification des voitures par certains acteurs de la filière ».
3.000 litres d’eau pour 100 kilomètres avec des biocarburants
L’ONG met aussi en avant, le gaspillage d’eau. Selon ses calculs, pour parcourir 100 kilomètres avec des biocarburants, cela nécessiterait en moyenne l’utilisation de 3.000 litres d’eau, contre 20 litres pour un véhicule électrique alimenté par de l’électricité provenant de panneaux solaires.
Maintenant, il y a d’autres moyens de produire des biocarburants, notamment ceux dits de deuxième génération qui consistent à utiliser des déchets agricoles ou forestiers, d’huiles de cuisson usagées ou de graisses animales. Mais les quantités produites ainsi ne sont pas en mesure de répondre à la demande et selon T&E les incitations qui existent en Europe pour passer à la production de biocarburants de deuxième génération ne sont pas suffisantes. L’ONG estime qu’en 2030, environ 90% de la demande de biocarburants sera encore assurée par des cultures alimentaires ou fourragères.